Par , publié le 25 juin 2024

Faut-il y voir une revanche d’Apple face à la Commission européenne ? Et une volonté de prendre à partie l’opinion publique pour protester contre le Digital Markets Act ? Vendredi dernier, le géant de Cupertino a annoncé que ses nouvelles fonctionnalités d’intelligence artificielle générative, présentées début juin et lancées à partir de septembre aux États-Unis, ne seront pas disponibles en Europe. Deux autres options sont aussi concernées: la “recopie” d’écran et le partage d’écran entre plusieurs appareils à la pomme. Apple se justifie par des incertitudes liées à la nouvelle réglementation européenne, notamment sur les obligations d’interopérabilité qui pourraient “compromettre l’intégrité de (ses) produits” et faire peser “des risques sur la sécurité des données et la vie privée des utilisateurs”.

Google et Meta aussi – Dans le sillage de ses rivaux, Apple va intégrer une couche d’IA à la prochaine version d’iOS, dopant notamment les performances de son assistant vocal Siri. La marque espère stimuler les ventes d’iPhone, en manque cruel d’innovations majeures depuis des années. Elle n’est pas la première à repousser le lancement de ses fonctionnalités d’IA en Europe. Mais les autres délais s’expliquent par le Règlement général sur la protection des données. Google l’a déjà fait avec son robot conversationnel Bard, depuis rebaptisé Gemini, le temps de réaliser des études d’impact désormais obligatoires sur le continent. Meta vient de faire pareil avec son assistant Meta AI, faute de vouloir demander le consentement de ses utilisateurs pour utiliser leurs messages afin d’entraîner ses grands modèles de langage.

Contraires au DMA ? – L’argument du DMA est plus difficile à comprendre. Apple fait bien partie des sept “contrôleurs d’accès” définis par Bruxelles, qui doivent respecter de nouvelles obligations. Mais aucune des fonctionnalités d’IA dévoilées en juin ne semble être contraire à la législation européenne. Hormis, peut-être, une auto-préférence pour les services maison, pratique désormais interdite, dans les réponses de Siri. Un problème qui pourrait cependant facilement être résolu. La question de l’interopérabilité pourrait se poser pour l’outil de “recopie” de l’écran, qui permet de contrôler un iPhone avec un Mac, et pour celui de partage de l’écran, car ils ne sont pas compatibles avec des ordinateurs sous Windows et des smartphones sous Android. Mais il n’est pas certain que le DMA allait s’appliquer à ces services.

Stratégie risquée – Apple s’est d’ailleurs déjà montré bien plus procédurier face à Bruxelles. Au printemps, le groupe s’est battu pour que sa messagerie iMessage ne soit pas concernée par le DMA. Et ainsi éviter de la rendre compatible avec d’autres services, comme c’est le cas de WhatsApp et Facebook Messenger. Pour obtenir gain de cause, il s’est même converti au protocole RCS (messagerie enrichie), soutenu par Google mais qu’il rejetait depuis des années. Son renoncement rapide à déployer son IA en Europe est donc surprenant. Celui-ci pourrait s’inscrire dans une bataille à distance avec la Commission, comme un message envoyé à l’opinion publique pour mettre en lumière des législations qu’il considère comme nocives pour l’innovation. Cette stratégie pourrait cependant être risquée, laissant le marketing autour de l’IA à ses rivaux.

Pour aller plus loin:
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