Par , publié le 26 mars 2021

À quelques jours de son introduction en Bourse, Deliveroo ne séduit pas les grands investisseurs britanniques. Cette semaine, plusieurs fonds ont indiqué qu’ils ne participeront pas à l’opération, devant valoriser la plateforme de livraison de repas à près de 9 milliards de livres (10,5 milliards d’euros). Deux raisons sont évoquées. D’abord, le recours à des travailleurs indépendants, qui suscite des risques juridiques et soulève des questions de responsabilité sociale. Ensuite, la structure à deux classes d’actions, qui va permettre à Will Shu, le fondateur, de garder le contrôle de l’entreprise.

Forte croissance – Prévue la semaine prochaine, l’entrée en Bourse de Deliveroo devrait être la plus importante IPO réalisée au Royaume-Uni depuis 2011. Si la société londonienne n’est toujours pas rentable – elle a perdu 224 millions de livres (260 millions d’euros) l’an passé -, elle mise sur la forte croissance de son activité, stimulée par la crise sanitaire, pour séduire les investisseurs. En 2020, ses livraisons ont bondi de 64%, à 4,1 milliards de livres. Le chiffre d’affaires, tiré des commissions versées par les restaurants et des frais de livraisons, a progressé de 54%. Présente dans douze pays, principalement en Europe, Deliveroo s’est lancée dans près de 200 villes supplémentaires l’an passé. Et compte désormais plus de 100.000 livreurs.

Incertitude juridique – Comme les autres acteurs du secteur, la plateforme a bâti son modèle autour d’une rémunération à la tâche, qui lui permet de limiter ses coûts. Ce choix alimente les critiques sur les conditions de travail. Pour certains fonds, il n’est ainsi pas compatible avec leurs objectifs d’investissement socialement responsable. Surtout, il est remis en cause par les pouvoirs publics et la justice. En Espagne, les livreurs de repas devront désormais être salariés. Et ainsi toucher un salaire minimum et bénéficier d’avantages sociaux. Au Royaume-Uni, une récente décision de la Cour suprême menace de créer une jurisprudence défavorable. D’ailleurs, Uber a déjà baissé pavillon et accordé un statut hybride à ses chauffeurs.

57% des droits de vote – Les grands fonds britanniques redoutent ainsi une remise en cause du modèle économique de Deliveroo, qui menacerait sa capacité à générer d’importants profits. Et donc sa valorisation actuelle. Ils s’opposent également à la structure du capital retenue par l’entreprise, qui va accorder des actions préférentielles à plusieurs de ses dirigeants. Popularisée par Google et devenue la norme dans la Silicon Valley, celle-ci va permettre à Will Shu de conserver 57% des droits de vote pendant trois ans, alors qu’il ne possédera plus que 6% du capital. Le patron de Deliveroo pourra alors mener sa stratégie sans crainte d’être poussé vers la sortie. Inacceptable pour les institutions de la City.

Pour aller plus loin:

– Au Royaume-Uni, Uber capitule devant ses chauffeurs
Deliveroo affiche toujours de lourdes pertes


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