Par , publié le 23 mai 2021

Le témoignage de Tim Cook était particulièrement attendu. Et il pourrait bien avoir fait pencher la balance au détriment d’Apple dans le conflit judiciaire l’opposant à Epic Games, le développeur du populaire jeu Fortnite. Appelé à la barre vendredi, pour conclure trois semaines d’auditions, le patron du groupe à la pomme a en effet été mis en difficulté. Non pas par les avocats de la partie adverse, mais par la juge Yvonne Gonzalez Rogers. Pendant dix minutes, la magistrate a remis en cause plusieurs des arguments d’Apple pour justifier le modèle de l’App Store et de ses commissions. Or, le verdict de ce procès ne sera pas rendu par un jury, mais seulement par la juge.

Milliards de profits – L’affaire, déclenchée l’été dernier, porte principalement sur deux points. D’abord, l’impossibilité d’utiliser une autre boutique d’applications sur le système iOS. Ensuite, l’obligation de passer par la plateforme de paiement d’Apple et ainsi de verser des commissions comprises entre 15% et 30% sur les achats in-app et sur les abonnements. Pour Epic, ces deux règles constituent des “pratiques anticoncurrentielles et monopolistiques”, qui permettent à Apple d’engranger des milliards de profits. Le concepteur de l’iPhone les justifie par la volonté de protéger ses utilisateurs. Il assure aussi qu’il ne peut pas être considéré comme un monopole. Et que le niveau de ses commissions est similaire à celui pratiqué par les autres acteurs.

“Pourquoi ne pas laisser le choix ?” – En interrogeant Tim Cook, la juge Gonzales Rogers n’a pas remis en cause l’absence de boutique d’applications tierces. Elle s’est en revanche montrée beaucoup plus sceptique sur les achats in-app“Pourquoi ne pas laisser le choix aux utilisateurs ?”, a-t-elle demandé, notant que cela pourrait leur permettre d’obtenir de meilleurs prix. “Vous auriez pu choisir de monétiser [l’App Store] d’une autre manière”, a-t-elle poursuivi. Et d’ajouter que “l’industrie du jeu vidéo [qui représente la plus grande partie des recettes in-app, ndlr] semble subventionner tout le reste”. Avant de conclure que le modèle choisi par Apple “apparaît disproportionné”.

Jurisprudence – La juge a également rejeté l’argument de la concurrence, aussi bien du côté des consommateurs que de celui des développeurs, citant notamment une étude montrant que 39% des développeurs n’étaient pas satisfaits de l’App Store… sans que la société ne prenne des mesures. La juge Gonzales Rogers semble ainsi prête à autoriser Epic à utiliser un autre système de paiement pour les microtransactions sur Fortnite ou, au moins, à renvoyer ses joueurs vers un site Internet – ce qui est aujourd’hui interdit. Ce ne serait pas le pire des scénarios pour Apple, mais celui-ci ferait jurisprudence et menacerait une partie des profits tirés de l’App Store. Dans ce cas, la société fera certainement appel.

Pour aller plus loin:
– Comment l’Australie est devenue la nouvelle bête noire des Gafa
– Pourquoi Apple a beaucoup à perdre de la procédure antitrust contre Google


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