Par , publié le 2 décembre 2021

C’est certainement le plus éclatant symbole de la perte d’intérêt de Wall Street pour les SPAC, ces coquilles vides qui permettent d’entrer très rapidement en Bourse. Jeudi, la plus importante opération jamais réalisée a tourné au fiasco. Pour son premier jour de cotation sur le Nasdaq, l’action de Grab a chuté de plus de 20%. La société singapourienne, leader du marché des voitures avec chauffeur dans de nombreux pays asiatiques, n’a cependant pas tout perdu. Elle a en effet levé 4,5 milliards de dollars, une somme qu’elle entend réinvestir pour accélérer son déploiement en Asie du Sud-Est.

“Super-app” – Fondée en 2012 comme une plateforme de réservation de taxis, Grab a décollé en reprenant, deux ans plus tard, le modèle de VTC popularisé par Uber. Soutenue financièrement par le fonds d’investissement de Softbank, la société a investi massivement pour se développer rapidement dans les pays de la région. Au point de pousser Uber vers la sortie: en 2018, le groupe américain lui cède ses activités en Asie du Sud-Est. Depuis, Grab s’est transformée en “super-app”, sur le modèle des autres applications asiatiques vedettes. Elle s’est lancée dans la livraison de repas, le paiement mobile, les services financiers ou encore la réservation d’hôtels.

Lourdes pertes – Les débuts boursiers ratés de Grab peuvent s’expliquer par la dégradation du contexte sanitaire, qui commence déjà à se répercuter sur son activité. Au troisième trimestre, le groupe a enregistré un repli de son chiffre d’affaires en raison notamment de sévères restrictions imposées au Vietnam. La découverte d’un nouveau variant a accentué la prudence des investisseurs. Au-delà, Grab doit surtout démontrer sa capacité à devenir rentable, alors qu’elle affiche de lourdes pertes depuis plusieurs années. Et elle doit affronter une concurrence accrue du géant Internet Sea et de GoTo, le groupe issu de la fusion entre Gojek et Tokopedia.

Montée en puissance – Malgré tout, l’introduction en Bourse de Grab concrétise la montée en puissance de l’Asie du Sud-Est. Avec 650 millions d’habitants, de plus en plus connectés, le secteur Internet devrait y doubler de taille d’ici à 2025, prédit le dernier rapport d’e-Conomy SEA. Longtemps ignorée, la région attire désormais les investisseurs étrangers, en particulier américains. Sur les neuf premiers mois de l’année, les jeunes pousses singapouriennes, indonésiennes ou encore philippines ont ainsi levé 17,2 milliards de dollars, selon les données de DealStreetAsia. C’est déjà deux fois plus que sur l’ensemble de l’année 2020. L’Asie du Sud-Est compte 34 licornes, contre 19 en janvier.

Pour aller plus loin:
– En Indonésie, Gojek et Tokopedia donnent naissance à un nouveau géant
– Le singapourien Sea se donne les moyens de conquérir l’Europe


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