Par , publié le 2 juin 2022

Cultiver des fraises dans des conteneurs en plein cœur de Paris. L’idée originale d’Agricool avait beaucoup fait parler. Elle avait autant séduit les investisseurs qu’elle avait fasciné la presse. Mais la révolution annoncée a pris fin devant le tribunal de commerce de Bobigny. Et pour seulement 50.000 euros. Mardi, la start-up, placée en redressement judiciaire fin janvier, a en effet été reprise par Vif Systems, une petite et discrète société lyonnaise qui fait pousser des plantes “à haute valeur ajoutée”, destinée notamment à l’industrie des cosmétiques. “Ils ont clairement les moyens et le potentiel pour distribuer nos technologies et apprentissages”, assure Guillaume Fourdinier, cofondateur et président d’Agricool, dans un message publié sur LinkedIn. Seulement 7 des 48 employés seront conservés.

Conditions optimales – L’histoire d’Agricool commence en 2015. À son origine, deux fils de paysans qui veulent créer l’agriculture de demain. La start-up ne conçoit pas seulement des fermes verticales, ces installations qui remplacent la surface au sol par la hauteur. Elle ambitionne de les miniaturiser pour les faire tenir dans des conteneurs. La culture s’y fait hors-sol, sur des étagères placées les unes au-dessus des autres. Tout le processus (exposition à la lumière, apports en nutriments et en eau…) est contrôlé automatiquement par des algorithmes afin de créer les conditions optimales. Cela permet de réduire drastiquement la consommation d’eau par rapport à l’agriculture traditionnelle. Et de n’utiliser aucun pesticide.

“Erreur stratégique” – La jeune société voyait grand. Fin 2018, à l’occasion d’une levée de fonds de 25 millions d’euros, ses dirigeants promettaient de déployer des centaines de conteneurs dans le monde, notamment à Dubaï. Ils annonçaient aussi 200 recrutements. Mais ces projets ne se matérialiseront jamais. Quelques mois plus tard, Agricool change en effet de stratégie pour concentrer tous ses efforts sur une seule ferme de dix conteneurs, située dans la banlieue parisienne. Le pivot est radical: au lieu de chercher la croissance, qui implique de lever toujours plus de capitaux, la start-up veut “trouver un modèle profitable”, explique Guillaume Fourdinier. “Une erreur stratégique, car nous n’avons pas réussi à convaincre les fonds avec cette ferme”, reconnaît-il aujourd’hui

Fortes pertes – Agricool produisait des fraises, des salades et des herbes, vendues dans une centaine de grandes surfaces. Mais son chiffre d’affaires n’a jamais décollé: seulement 300.000 euros l’an passé. La start-up a été pénalisée par ses coûts de production, qui se traduisaient par des prix plus élevés. Malgré tout, ses fraises n’étaient pas rentables “même après 7 ans de R&D”, regrette Guillaume Fourdinier. Les “salades du quotidien” non plus. “Pas assez proches du cash”, ses dirigeants n’ont pas adapté le niveau des dépenses à leur nouvelle stratégie. Conséquence: les pertes s’accumulent – 7,7 millions en 2020 – et la trésorerie fond. Pour survivre, Agricool doit alors mener une nouvelle levée de fonds. Au pied du mur, elle recrute fin 2021 un ancien de Bonduelle au poste de directeur général pour rassurer les investisseurs. En vain.


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