Par , publié le 27 novembre 2022

Sur le papier, le bilan est positif. En attendant l’entrée en vigueur de nouvelles règles internationales, les taxes sur les services numériques rapportent gros aux pays européens qui les ont mises en place. En France, 591 millions d’euros vont être collectés cette année, selon les estimations du ministère des finances. Et 670 millions l’année prochaine. Au Royaume-Uni, la première année d’application s’est conclue sur des rentrées fiscales de 358 millions de livres (415 millions d’euros), selon un rapport parlementaire publié la semaine dernière. C’est davantage que l’impôt sur les sociétés payé par les 18 groupes concernés dans le pays. Ces sommes importantes masquent cependant une réalité: cette nouvelle taxe n’impacte pas les géants numériques qu’elle vise… mais leurs clients.

3% du chiffre d’affaires – La taxe Gafa cherche à lutter contre les pratiques fiscales des sociétés numériques, qui transfèrent leurs profits vers des pays à faible imposition, comme l’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg. Elle prend la forme d’une taxe sur le chiffre d’affaires. Le taux a été fixé à 3% en France, en Espagne et en Italie. Il est de 2% au Royaume-Uni. Cette taxe ne s’applique que sur les services numériques, principalement la publicité en ligne et les commissions des boutiques d’applications et des marketplaces. Elle ne vise pas directement les grands groupes américains, mais ces derniers sont les plus gros payeurs compte tenu de leur taille. Au Royaume-Uni, 90% des recettes proviennent ainsi de cinq entreprises, dont font très certainement partie Apple, Google, Amazon et Facebook.

Coût répercuté – Au-delà des recettes fiscales, la taxe Gafa présente deux limites majeures. D’abord, celle d’une double imposition des sociétés locales, qui paient déjà des impôts sur les bénéfices dans leur pays. C’est le cas notamment de la plateforme française de petites annonces Leboncoin – et probablement aussi de Criteo, le spécialiste du reciblage publicitaire. Ensuite, certains groupes ont répercuté cette nouvelle taxe sur leur prix. Apple a, par exemple, augmenté les commissions prélevées sur son App Store. Google a revu à la hausse ses tarifs publicitaires. Et Amazon a relevé les frais facturés aux vendeurs tiers. Autrement dit, la taxe Gafa n’a pas réduit leurs profits. Elle a, en revanche, abaissé les marges de leurs clients ou augmenté le prix payé par les consommateurs finaux.

Des profits pour les Gafa ? – Les géants américains pourraient même empocher des centaines de millions d’euros de profits d’ici à 2024. L’an passé, l’Europe et les États-Unis ont trouvé un compromis sur les règles d’imposition des multinationales, prévoyant notamment de les taxer là où elles réalisent leurs ventes. Les cinq pays ayant instauré une taxe sur les services numériques se sont engagés à la supprimer. Ils ont aussi accepté d’accorder un crédit d’impôt pour rembourser d’éventuels trop-perçus par rapport au futur système. Apple, Google ou Amazon pourraient ainsi bénéficier de ce dispositif, après avoir fait payer la taxe Gafa par leurs clients, transformant ce crédit d’impôt en profits. Sans oublier que rien ne les obligera à ramener leur prix et commissions au niveau antérieur.

Pour aller plus loin:
– Bruxelles ne désarme pas devant les avantages fiscaux d’Apple
– Taxe Gafa: les Etats-Unis menacent l’Europe… pour mieux négocier


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