Par , publié le 7 mars 2023

Si TikTok n’est pas directement mentionné, le projet de loi présenté mardi par des sénateurs américains cible clairement la très populaire application de courtes vidéos, filiale du groupe chinois ByteDance. Soutenu des deux côtés de l’échiquier politique, celui-ci vise à permettre au gouvernement d’interdire ou de forcer la vente de technologies étrangères jugées dangereuses pour la sécurité nationale. Contrairement aux précédentes initiatives parlementaires, ce texte affiche de fortes chances d’aboutir au Congrès, puis d’échapper à un veto présidentiel. Cela ne signifie pas pour autant que TikTok sera bientôt banni du territoire américain. Mais simplement qu’un cadre juridique sera désormais en place si l’administration Biden décide de franchir le pas.

Double inquiétude – Depuis plusieurs mois, TikTok tente bien de rassurer la classe politique américaine. Dans quinze jours, Shou Zi Chew, son nouveau patron, doit d’ailleurs être auditionné par le Congrès. La plateforme, qui compte 100 millions d’adeptes aux États-Unis, suscite deux inquiétudes. D’abord, une collecte des données des utilisateurs par le gouvernement chinois. L’été dernier, une enquête de BuzzFeed News avait montré que des employés de ByteDance avaient eu accès à des données américaines. Ensuite, de potentielles campagnes d’influence menées par Pékin grâce à l’algorithme de recommandations, par exemple pour influencer le résultat d’une élection. En janvier, TikTok avait d’ailleurs reconnu disposer d’outils permettant de doper la visibilité de certaines vidéos.

Négociations au point mort – Après avoir échappé à une interdiction sous l’administration Trump, TikTok négocie depuis de longs mois avec le puissant Comité sur les investissements étrangers. La société propose que les données des utilisateurs américains soient exclusivement hébergées aux États-Unis dans le cloud d’Oracle. Et que seuls des employés américains puissent avoir accès aux données sensibles. Si un accord préliminaire avait été trouvé à l’automne, le dossier semble désormais au point mort, en raison notamment des doutes émis par le département de la Justice et par le FBI. “Il n’existera jamais suffisamment de protection”, résume Brendan Carr, le patron de la Federal Communications Commission (FCC), le gendarme américain des télécoms, qui milite pour une interdiction de TikTok.

Plutôt une vente ? – Le nouveau projet de loi permettrait d’éviter le même scénario qu’en 2020. À l’époque, les menaces de Donald Trump, qui souhaitait forcer une vente à Oracle, s’étaient heurtées à la justice américaine, qui avait annulé les décrets de bannissement, faute d’un cadre juridique permettant au président américain d’interdire une technologie étrangère. Si l’hypothèse d’une interdiction de TikTok aux États-Unis prend de l’ampleur, le dossier reste très politique. Rien n’indique que l’administration Biden soit prête à bannir une plateforme très populaire, notamment auprès des jeunes, l’une des bases de son électorat. Mais en cas d’échec dans les négociations avec le Comité sur les investissements étrangers, elle aurait la possibilité d’imposer une séparation entre TikTok et ByteDance.

Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Les interdictions de TikTok se multiplient en Europe


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