C’est un revers majeur pour la Competition and Markets Authority (CMA), très active ces derniers mois contre les géants américains du numérique. La semaine dernière, le gendarme britannique de la concurrence a été désavoué par la justice, qui avait été saisie par Apple. Le groupe à la pomme contestait l’enquête approfondie, ouverte en novembre, sur un potentiel abus de position dominante profitant à son navigateur Safari. Il estimait qu’elle avait été lancée trop tard par rapport aux conclusions de l’enquête préliminaire, publiées un an plus tôt. Ce délai – qui s’expliquait par la volonté de la CMA d’attendre l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi qui lui aurait donné davantage de pouvoir –, a été jugé trop long par la Cour d’appel. Le régulateur se dit prêt à contester cette décision.
Limitations techniques – Selon la CMA, Safari bénéficie d’un “avantage déterminant”, en étant pré-installé et défini comme application par défaut sur chaque iPhone et iPad. Elle mettait également en avant les limitations techniques imposées par Apple, qui obligent les navigateurs rivaux à utiliser la même technologie que Safari, sans avoir accès à toutes les fonctionnalités. En plus de réduire la compétition, cette restriction incite aussi le groupe à ne pas investir suffisamment pour développer son navigateur, assurait la CMA. “Les développeurs n’ont pas d’autre choix que de créer une application mobile quand un site Internet ne suffit plus”, expliquait-elle. De quoi avantager encore Apple, qui contrôle la distribution des applications. Et qui prélève des commissions sur chaque achat.
Cloud gaming – Parallèlement, un deuxième volet devait se concentrer sur l’interdiction implicite des plateformes de cloud gaming sur l’App Store. Ces services, qui permettent de jouer à des jeux vidéo sans avoir à les installer ou à acheter un puissant ordinateur ou une console, sont encore peu développés – Google vient d’ailleurs de mettre un terme à son offre Stadia. Mais Microsoft parie beaucoup sur cette nouvelle technologie pour élargir son public. Pour le moment, son service Game Pass n’est pas disponible sur l’App Store, à cause de règles volontairement beaucoup trop restrictives. Pour y accéder, il faut passer par le navigateur. “Le cloud gaming représente une menace pour Apple”, qui cherche donc à limiter son essor, jugeait le gendarme de la concurrence.
“Emprise” – Cette enquête complétait une autre lancée contre les pratiques de l’App Store, qui reste, elle, ouverte. Ces deux procédures s’inscrivaient dans le cadre d’une vaste étude menée en 2021 par la CMA. Dans son rapport, l’autorité britannique avait alors estimé qu’Apple et que Google, avec son système Android, avaient développé une “emprise très forte” sur l’écosystème mobile. Elle préconisait plusieurs solutions. Elle souhaitait mettre fin à l’exclusivité des boutiques App Store et Play Store pour installer des applications, permettre aux développeurs de proposer des méthodes alternatives de paiement ou encore de laisser les utilisateurs choisir leurs applications par défaut. Des mesures qui se rapprochent de celles qui entreront en vigueur en Europe dans le cadre du Digital Markets Act.
Pour aller plus loin:
– Le rachat d’Activision par Microsoft menacé par les autorités britanniques
– La justice américaine autorise une plainte contre l’App Store
