Sur le papier, Pinduoduo n’est plus une entreprise chinoise. Dans un document adressé fin avril au gendarme boursier américain, le géant chinois du commerce en ligne a en effet changé l’adresse de son siège social. Celui-ci est désormais localisé à Dublin, et non plus à Shanghai. Interrogés par la presse chinoise, ses dirigeants plaident l’erreur d’interprétation. Ils assurent que la société est toujours basée en Chine… tout en étant cotée à New York et en étant enregistrée aux Îles Caïmans. L’adresse irlandaise ne serait en fait que celle de l’entité supervisant Temu, son nouveau site international lancé avec succès à l’automne 2022. Un détail qui n’est pas précisé dans les documents officiels. Dans les deux cas de figure, ce changement n’est pas anodin: il pourrait viser à se mettre à l’abri de potentielles sanctions américaines.
Relais de croissance – Fondé en 2015, Pinduoduo, rebaptisé PDD Holdings en début d’année, a bouleversé le marché du commerce en ligne en Chine, avec son concept d’achats groupés entre membres de la famille, amis ou voisins. Avec près de 900 millions d’acheteurs, il ne cesse depuis de gagner du terrain aux dépens d’Alibaba et JD, les deux poids lourds historiques du secteur. Mais il cherche aussi de nouveaux relais de croissance à l’étranger, face à la dégradation de la situation économique en Chine. Pour s’imposer hors de ses frontières, Pinduoduo a repris le principe du cross-border. Les produits, vendus par des marchands tiers, sont expédiés directement depuis des entrepôts chinois. Cela permet de limiter les coûts, mais se traduit également par des délais de livraison rallongés: jusqu’à deux semaines.
Carton aux États-Unis – Pour les consommateurs, cet handicap est compensé par les prix. Aux États-Unis, Temu est ainsi un véritable phénomène. Son application mobile est actuellement la plus téléchargée sur l’App Store d’Apple, toutes catégories confondues. Fin mars, elle totalisait 33 millions de téléchargements en seulement sept mois, selon les estimations du cabinet Sensor Tower. Et elle cumulait 17 millions d’utilisateurs actifs dans le pays. Début 2023, la plateforme a débarqué au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Et elle vient d’arriver dans plusieurs pays européens, dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Son succès s’explique également par une stratégie marketing très agressive sur les réseaux sociaux et par l’incitation à inviter des amis pour gagner des bons de réduction.
Menaces à Washington – Cette réussite pourrait placer Temu dans le collimateur des autorités, en particulier aux États-Unis. À Washington, un projet de loi est en effet en discussion pour permettre à la Maison blanche de cibler des technologies chinoises. L’application cherche désormais à masquer ses origines. Son site Internet ne mentionne plus l’identité de sa maison mère. Et assure que la société a été fondée à Boston. Mais cette manœuvre pourrait bien être insuffisante. TikTok, qui a également délocalisé son siège social, passant de Pékin à Singapour, reste toujours dans le viseur de Washington. Et Pinduoduo vient d’être épinglé par des experts en cybersécurité, pour avoir collecté illégalement des données par l’intermédiaire d’un logiciel malveillant inclus dans son application mobile.
Pour aller plus loin:
– L’application chinoise Temu se lance discrètement en France
– Cinq ans après son lancement, Pinduoduo détrône Alibaba
