C’est le début d’un parcours judiciaire qui pourrait déboucher sur l’interdiction de TikTok aux États-Unis. Ce lundi, la très populaire application de vidéos a retrouvé le département de la Justice devant un tribunal. Elle conteste une nouvelle loi, votée en avril par le Congrès, qui veut forcer la vente de ses activités américaines. Une hypothèse rejetée par sa maison mère, le groupe chinois ByteDance, qui se dit prêt à aller jusqu’au bout. Deux autres procédures seront aussi examinées, déposées par un groupe de créateurs de vidéos et par une organisation à but non lucratif. Dans les trois dossiers, les trois juges du tribunal devront arbitrer entre le respect du premier amendement de la constitution américaine, qui protège la liberté d’expression, et les impératifs de sécurité nationale, mis en avant par le gouvernement.
Banni des app stores ? – Adoptée après une habile manœuvre parlementaire, la législation recueille le soutien de la majorité des élus démocrates et républicains. Il est soutenu par la Maison blanche, mais pas par Donald Trump, qui a visiblement changé d’avis. Le texte demande à ByteDance de se séparer, au moins, de la branche américaine de TikTok avant le 19 janvier – avec la possibilité d’une rallonge de trois mois afin de finaliser des négociations en cours. Faute de quoi, la plateforme sera bannie des boutiques d’applications mobiles, empêchant ainsi ses 170 millions d’utilisateurs américains de l’installer sur un nouvel appareil ou de la mettre à jour. La décision des juges est attendue avant le 9 décembre, laissant ainsi un peu plus d’un mois pour un éventuel recours du perdant devant la Cour suprême des États-Unis.
Sécurité nationale – Les plaignants se basent sur le premier amendement. En 2020, des juges avaient déjà bloqué les efforts de l’administration Trump pour forcer une vente. Même chose au Montana, qui voulait interdire l’application. En face, Washington va mettre en avant un élément tout aussi important: la défense de la sécurité nationale. L’issue de cette procédure dépendra de sa capacité à démontrer que TikTok représente effectivement un risque, permettant à Pékin de collecter massivement des données ou d’influencer l’opinion publique en donnant davantage de visibilité à certains contenus. L’administration devra justifier qu’il n’existe pas de solution moins radicale, alors qu’elle a longtemps négocié avec TikTok les modalités du projet Texas, qui vise à stocker les données des utilisateurs américains aux États-Unis.
Preuves secrètes – Jusqu’à présent, le gouvernement américain n’a jamais rendu publique la moindre preuve concrète d’espionnage ou de campagnes d’influence. Dans sa plainte, il cite plusieurs témoignages de responsables de la sécurité nationale, soulignant l’existence d’un risque important. Il a aussi versé au dossier des documents allant dans ce sens. Mais ceux-ci sont classés secret-défense. Et ne seront visibles que par les trois juges. Les avocats de TikTok n’en auront pas connaissance, afin d’apporter une réponse. Ils réclament donc que ces documents ne puissent pas être utilisés par leurs adversaires. Les experts judiciaires sont partagés sur l’issue de l’affaire, qui pourrait être une question d’interprétation pour savoir si le degré de risque est suffisamment élevé pour outrepasser le sacro-saint premier amendement.
Pour aller plus loin:
– TikTok, une arme d’influence pour Pékin ?
– Comment un milliardaire américain a sauvé TikTok