Par , publié le 8 octobre 2024

C’est une gigantesque base de données de plus de quinze millions de profils génétiques dont le sort commence à inquiéter aux États-Unis. Près de vingt ans après sa création, 23andMe traverse en effet une grave crise financière, qui pourrait l’amener à être à court de liquidités dès l’an prochain. Déjà en perte de vitesse, le spécialiste des tests ADN à usage récréatif a vu sa situation empirer l’année dernière après une importante fuite de données, qui a compromis environ la moitié de ses clients. Pour sauver ce qui peut encore l’être, la fondatrice et patronne Anne Wojcicki propose de mener, au rabais, un retrait de la cote. Une hypothèse rejetée par les actionnaires. Mi-septembre, l’ensemble des membres indépendants du conseil d’administration ont claqué la porte pour manifester leurs désaccords avec la “direction stratégique”.

Lourdes pertes – 23andMe offre des analyses génétiques à réaliser à domicile avec un kit de prélèvement salivaire. Celles-ci permettent d’identifier ses origines géographiques et des prédispositions pour développer certaines maladies. La véracité de ces tests, interdits en France, est remise en cause. Mais ils ont quand même séduit plus de 15 millions de curieux. À l’été 2021, l’entreprise s’introduit en Bourse. Elle vaut alors six milliards de dollars. Sa capitalisation est depuis tombée sous les 150 millions. Non seulement, 23andMe accuse un essoufflement de son potentiel commercial, notamment parce que ses clients ne réalisent les tests qu’une seule fois. Mais elle affiche toujours de très lourdes pertes: 315 millions en 2023 (hors depreciations d’actifs). Conséquence, sa trésorerie a fondu, passant en trois ans de 900 à 216 millions.

Perte de poids – 23andMe a bien tenté de diversifier ses activités. La société a lancé des abonnements, proposant des conseils de santé et davantage de données sur les ancêtres. Mais les résultats n’ont pas été à la hauteur. Elle commercialise une offre mensuelle de téléconsultation et des prescriptions médicales, en particulier l’Ozempic, un médicament dont l’usage a été détourné pour faire perdre du poids. 23andMe cherche aussi à monétiser sa base de profils génétiques. En 2018, elle a conclu un partenariat avec le laboratoire Glaxosmithkline pour mener des recherches médicales. Celui-ci lui a rapporté près de 400 millions de dollars, mais son montant annuel a été revu à la baisse. Surtout, ses potentiels résultats positifs (23andMe et GSK doivent partager les profits) sont trop lointains face à l’urgence de la situation.

Données en vente – Les difficultés de 23andMe ont été accentuées par une faille de sécurité en 2023, qui a permis à des pirates informatiques de mettre la main sur les données personnelles et les résultats sur les origines de sept millions de clients. Les informations d’un million de personnes, dont Elon Musk et Mark Zuckerberg, s’étaient ainsi retrouvées en vente sur un forum spécialisé. L’aggravation de la situation financière pourrait rendre l’entreprise, à la recherche d’économies, encore plus vulnérable. Autre risque: que deviendra cette base de profils génétiques si elle fait faillite, déclenchant une vente de ses actifs ‘ Ou si elle est rachetée par un groupe qui ambitionne de monétiser encore davantage ses données ? Aux États-Unis, 23andMe n’est soumis à aucune réglementation sur l’utilisation des profils génétiques.


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