Par , publié le 8 octobre 2024

Pendant des années, Telegram s’est vanté de ne pas partager des informations sur ses utilisateurs aux autorités judiciaires. “Cela n’est jamais arrivé”, assurait encore l’application de messagerie il y a quelques semaines dans sa politique de confidentialité. En réalité, pourtant, elle a bien communiqué les adresses IP et les numéros de téléphone de personnes suspectées d’un crime, selon des rapports de transparence qu’elle a (enfin) commencé à publier la semaine dernière. Une pratique qui a débuté avant même l’arrestation en France puis la mise en examen, début septembre, de son fondateur et patron Pavel Durov. Depuis quand ? Impossible à savoir, car les chiffres partagés ne concernent que l’année en cours. S’ils font état d’un petit nombre de cas, ceux-ci démontrent cependant les mensonges de Telegram.

Près de 700 personnes – En France, Telegram a ainsi répondu à 220 réquisitions judiciaires, concernant près de 700 personnes, depuis le début de l’année. Ce chiffre cache cependant deux réalités: dix dossiers au premier semestre et 210 sur le seul troisième trimestre. Pavel Durov explique que cette forte hausse concerne tous les pays européens, qui ont commencé à utiliser “la bonne ligne de communication pour leurs demandes”. La coïncidence avec ses déboires judiciaires en France, où il est accusé de complicité de diffusion d’images pédopornographiques et de trafic de stupéfiants, est cependant troublante. Quatorze requêtes ont été acceptées aux États-Unis. Et près de 7.000 en Inde, le pays où la société compte le plus d’utilisateurs et où le gouvernement n’hésite pas à bloquer les applications qui ne respectent pas ses ordres.

Pas que le terrorisme – Pour tenter de nuancer la portée de cet aveu, Pavel Durov assure que “pas grand-chose n’a changé” depuis son arrestation. Il souligne que la politique de confidentialité de Telegram indique, depuis 2018, que des informations personnelles peuvent être divulguées à la justice “dans la plupart des pays”. Certes, mais le texte mentionnait également que la société ne collaborerait que dans les affaires terroristes. Et il assurait qu’elle n’avait jamais eu à le faire. Deux mensonges. Non seulement Telegram a bien transmis des données, mais aussi pour d’autres types d’activités criminelles. En Inde par exemple, une grande partie des réquisitions judiciaires concernent des dossiers de violation du droit d’auteur. Fin septembre, la société a modifié sa politique de confidentialité pour “limiter la confusion”.

Chiffrement – En revanche, Telegram affirme toujours n’avoir “divulgué zéro octet de messages”. L’application explique avoir trouvé une parade: les données des conversations sont divisées puis stockées dans plusieurs pays. “En conséquence, plusieurs ordonnances judiciaires provenant de différentes juridictions sont nécessaires pour nous contraindre à divulguer des données”, avance-t-elle. Derrière cette affirmation, se cache un autre arrangement avec la vérité. Si elle se présente comme la seule application de messagerie véritablement sécurisée, l’entreprise n’implémente pas par défaut le chiffrement de bout-en-bout des conversations, à l’inverse de sa rivale Signal mais aussi de WhatsApp et iMessage. Celui-ci doit être activé manuellement par les utilisateurs. Et il n’est pas disponible pour les discussions de groupe.

Pour aller plus loin:
Telegram se résout à collaborer avec la justice
– L’arrestation de Pavel Durov en France fragilise l’avenir de Telegram


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité