Le compte à rebours est lancé pour OpenAI. Suite à sa dernière levée de fonds, menée début octobre, le concepteur de ChatGPT dispose d’un délai de deux ans pour entériner un changement de structure juridique. Et ainsi abandonner son statut d’entreprise à profits plafonnés, contrôlée (au moins officiellement) par une organisation à but non lucratif. Cette modification pose d’importantes incertitudes juridiques. Et elle implique aussi de renégocier avec Microsoft, qui a injecté près de quatorze milliards de dollars pour financer les premières années de développement d’OpenAI. Selon le Wall Street Journal, les discussions sont en cours entre les partenaires, tous deux accompagnés par de grandes banques d’affaires, sur fond de relations détériorées. En jeu: le poids de Microsoft dans le capital et dans la future gouvernance.
Profits pour Microsoft – Lors de son lancement en 2015, OpenAI est un laboratoire de recherche, soutenu par quelques grands noms de la Silicon Valley, qui ambitionne alors de développer une intelligence artificielle devant bénéficier à l’humanité, sans être dictée par une logique de profit. Mais cette mission change quatre ans plus tard. Devant la nécessité de trouver des fonds, la start-up lance une filiale à “but lucratif plafonné”, puis fait entrer Microsoft dans son capital. OpenAI s’engage alors à reverser 75% de ses profits au créateur de Windows jusqu’à ce qu’il récupère les sommes investies – le reste doit être réparti entre les employés et les premiers investisseurs. Puis, 49% jusqu’à un certain montant, non connu. Au-delà de ce plafond, l’ensemble des bénéfices doit revenir à… l’organisation à but non lucratif.
Dépendance – Compte tenu de sa structure, ce pacte rend impossible l’arrivée d’autres investisseurs. Or, OpenAI a besoin de toujours plus de liquidités, alors que ses pertes s’envolent – cinq milliards de dollars cette année. Fin 2023, son patron Sam Altman a ainsi réclamé des milliards supplémentaires à Satya Nadella, le directeur général de Microsoft. Une demande rejetée, rapporte le New York Times. Car à Redmond, les dirigeants ont peu apprécié la tentative d’éviction de Sam Altman. Et ils s’inquiètent d’une dépendance désormais jugée dangereuse. En mars, ils ont ainsi débauché les salariés d’Inflection AI, dont son fondateur Mustafa Suleyman, placé à la tête d’une nouvelle division dédiée à l’IA. L’objectif serait notamment de concevoir un grand modèle de langage, qui entrerait en compétition frontale avec ceux d’OpenAI.
Clause de sortie – Le concepteur de ChatGPT a dû se tourner vers d’autres acteurs. Et il n’a eu aucun mal à récolter 6,6 milliards de dollars. Mais l’opération comporte une clause importante: il doit devenir une société à but lucratif avant fin 2026, faute de quoi il devra rembourser les investisseurs. Pour changer de statut, il doit déterminer la part du capital et les postes d’administrateur qui reviendront à Microsoft. Ces négociations se déroulent dans un contexte tendu. OpenAI reproche à son partenaire de ne pas lui fournir les ressources informatiques dont il a besoin. Microsoft regrette, lui, de ne pas avoir accès assez rapidement aux avancées de la start-up. Selon le New York Times, cette derniere dispose d’un atout de taille dans les discussions: une clause de sortie quand elle aura atteint une IA générale, c’est-à-dire capable d’apprendre seule, à laquelle elle pourrait renoncer pour obtenir de meilleurs termes.
Pour aller plus loin:
– Comment la course aux profits s’est imposée dans l’IA
– La face cachée d’OpenAI, rattrapé par de multiples polémiques