Par , publié le 5 novembre 2024

Faut-il croire à une simple coïncidence ? La semaine dernière, Apple a indiqué que le lancement en Europe de ses nouvelles fonctionnalités d’intelligence artificielle, officiellement repoussé en raison de la réglementation, aura finalement lieu en avril. Une date qui correspond à la disponibilité du service en français, allemand, espagnol ou encore italien, les principales langues du continent. Le groupe à la pomme assure avoir trouvé une “solution” pour respecter le Digital Markets Act européen, une réglementation qui vise à renforcer la concurrence dans le numérique. Mais il pourrait aussi s’agir d’une opération de communication – réussie à en croire les réactions de certains adeptes de la marque –, pour prendre à témoin l’opinion publique contre ce texte qu’il n’a cessé de sévèrement critiquer. Tout en masquant son retard technologique.

Interopérabilité – Pour ne pas rater la vague de l’IA générative, la société de Cupertino a présenté en juin les premières intégrations de cette technologie, baptisées Apple Intelligence. Ces nouveaux outils ont été officiellement lancés fin octobre sur iPhone, iPad et Mac. Mais une partie des fonctionnalités promises ne sont pas encore disponibles. Et les autres ne le sont qu’en “anglais américain”, obligeant les utilisateurs qui souhaitent s’en servir à changer la langue de leur appareil. Au sein de l’Union européenne, l’accès est en revanche entièrement bloqué. Selon Apple, cela s’explique par les incertitudes liées au DMA, en particulier sur les obligations d’interopérabilité. Celles-ci pourraient “compromettre l’intégrité de (ses) produits” et faire peser “des risques sur la sécurité des données et la vie privée des utilisateurs”.

Quelles incertitudes ? – Les justifications d’Apple peuvent laisser sceptique. Certes, le géant américain fait bien partie des sept “contrôleurs d’accès” définis par Bruxelles, qui doivent respecter de nouvelles obligations dans le cadre du DMA. Mais aucune de ses nouvelles fonctionnalités d’IA ne semble être contraire à la législation européenne. D’ailleurs, Apple refuse d’indiquer si des outils ne seront pas disponibles en Europe. Et le nouveau Siri, dopé à l’IA, parfois cité comme raison du report du lancement européen, sera bien accessible sur le continent. En admettant que le groupe avait des incertitudes – des incertitudes que ses responsables n’ont jamais souhaité exposer publiquement –, pourquoi ne pas avoir lancé seulement les outils de retouche photo ou d’aide à la rédaction, qui ne posent eux aucun problème ?

Un alibi ? – Surtout, une disposition du DMA permet aux “contrôleurs d’accès” de discuter avec la Commission européenne avant le lancement d’un nouveau produit. Apple aurait pu le faire avant la présentation ou le déploiement d’Apple Intelligence. La société s’est déjà montrée bien plus procédurière face à Bruxelles. Au printemps, elle s’est, par exemple, battue pour exclure iMessage du champ d’application du DMA, évitant ainsi de le rendre compatible avec d’autres messageries. Et si elle a bien trouvé une “solution”, comme elle l’explique, pourquoi attendre six mois de plus pour rendre accessibles ces fonctionnalités en anglais ? Autant d’éléments qui semblent accréditer la thèse d’une revanche facile envers le DMA, alors qu’Apple n’était de toute façon pas prêt pour un véritable lancement grand public en Europe. Le parfait alibi.

Pour aller plus loin:
– Avec ses nouveaux iPhone, Apple teste l’appétit pour les smartphones “Gen AI”
– Bruxelles accentue la pression sur Apple dans le cadre du DMA


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