Officiellement, l’Ascend 910B n’existe même pas. Cette carte graphique (GPU), conçue par Huawei et dédiée à l’intelligence artificielle générative, se retrouve pourtant au cœur d’un feuilleton qui met dans l’embarras aussi bien la Maison blanche que le fondeur taïwanais TSMC. Et qui illustre la difficile application des sanctions américaines contre le groupe de Shenzhen, devant les multiples stratagèmes qu’il a mis en place pour les contourner. En passant par un intermédiaire, il a en effet pu mettre la main sur des puces fabriquées par TSMC, pour les intégrer dans l’Ascend 910B, rapporte la presse américaine. De grands groupes chinois ont commandé des centaines de milliers d’exemplaires du GPU de Huawei, contournant ainsi les restrictions d’exportation de Washington qui limitent leur capacité à se fournir chez Nvidia, le leader du marché.
Avancée technologique – En 2020, Huawei a été placé sur une liste noire par les États-Unis, en raison de soupçons d’espionnage au profit de Pékin. Depuis, la société ne peut plus se fournir auprès de toutes les entreprises qui utilisent des technologies américaines. Cela comprend TSMC, le premier fondeur mondial qui produit presque l’intégralité des puces les plus avancées. Après avoir lutté pour sa survie, Huawei est revenu en force l’an passé en lançant son premier smartphone 5G en quatre ans. Celui-ci est équipé d’un système sur puce conçu par sa filiale HiSilicon et gravé en 7 nm par le fondeur SMIC – une avancée majeure pour l’industrie chinoise des semi-conducteurs. Dans la foulée, le groupe avait commencé à vendre, en toute discrétion, l’Ascend 910B, sa première puce dédiée à l’intelligence artificielle depuis 2018.
Le coupable démasqué – Très vite pourtant, les États-Unis ont exprimé leurs doutes sur les véritables avancées de Huawei et de SMIC. Des doutes que renforcent désormais des analyses menées par TechInsights, qui ont mis en évidence la présence de composants gravés par TSMC. Si le cabinet canadien, référence dans le secteur, n’a pas encore publié le résultat de ses recherches, il a informé le groupe taïwanais. Sous pression, celui-ci assure ne plus approvisionner la marque chinoise depuis 2020. Un numéro de série lui aurait permis d’identifier le coupable: Sophgo, un concepteur chinois de puces. Comme il n’est pas ciblé par des sanctions de Washington, celui-ci a pu commander légalement les composants utilisés par Huawei. Il dément avoir servi d’intermédiaire, mais TSMC a décidé de couper immédiatement les livraisons.
Usines fantômes – Difficile de savoir si la découverte du subterfuge aura un impact important sur la capacité de Huawei à produire des GPU Ascend. La société a peut-être pu constituer des stocks importants. Elle pourrait aussi disposer d’autres intermédiaires cachés. Ou encore trouver une alternative aux puces de TSMC. Cette histoire semble confirmer les inquiétudes d’élus sur l’existence d’un réseau de sociétés écrans et d’usines fantômes, permettant à Huawei de contourner les sanctions américaines. Le cabinet SemiAnalysis en dénombre une dizaine, à toutes les étapes du processus industriel. Seulement deux d’entre elles figurent sur la liste noire de Washington. Les autres sont libres de se fournir chez TSMC ou de passer par des intermédiaires (comme Sophgo ?), pour brouiller encore davantage les pistes.
Pour aller plus loin:
– Les États-Unis interdisent à Nvidia d’exporter ses puces d’IA vers la Chine
– Comment Huawei a pris sa revanche sur les États-Unis