Dans les bureaux d’Amazon, ce n’est plus la concurrence avec Walmart, le leader américain de la distribution, qui occupe les esprits. C’est désormais le succès grandissant de Shein et de Temu sur les marchés occidentaux, à coups de promotions agressives et d’importantes dépenses marketing. De plus en plus menacé par les deux plateformes chinoises, le groupe de Seattle riposte. La semaine dernière, il a officiellement lancé une nouvelle section proposant une multitude d’articles, vendus par des marchands tiers à des prix “incroyablement bas” – majoritairement sous la barre des dix dollars. Baptisée Haul, celle-ci n’est disponible qu’aux États-Unis. Et seulement depuis un smartphone ou une tablette. Elle s’appuie sur le modèle transfrontalier, dit cross border: les achats seront expédiés directement depuis des entrepôts en Chine.
Coûts logistiques – S’il reste, de très loin, le leader du commerce en ligne dans de nombreux pays, Amazon s’est laissé déborder sur le bas de l’échelle des prix. D’abord par Shein, spécialiste de l’ultra fast fashion. Puis par Temu, filiale de Pinduoduo. Au lieu d’entrer en concurrence frontale, les deux groupes ont opté pour une approche différente: des tarifs cassés en échange de délais de livraison rallongés. Cela leur permet de limiter les coûts logistiques. D’autant qu’ils profitent de tarifs postaux avantageux et qu’ils s’engouffrent dans une faille pour ne pas payer de droit de douane. Shein et Temu ne rivalisent que sur une petite partie du marché: l’habillement, les bijoux, les ustensiles de cuisine, les accessoires électroniques… Mais leur popularité est suffisamment importante pour grappiller des parts de marché à Amazon.
Entrepôt en Chine – Face à ces nouveaux rivaux, le géant américain a décidé de recopier leurs recettes gagnantes. Selon un document interne consulté par The Information, il a ainsi ouvert un centre de distribution dans la province du Guangdong, qui abrite de nombreuses usines de production. Il y réceptionne les achats avant de les envoyer directement à ses clients, sans jamais passer par sa chaîne logistique américaine. Et sans verser de droits de douane. La livraison prendra entre une et deux semaines. Amazon prélève toujours des frais logistiques aux marchands tiers, mais ils sont moins élevés que pour les produits expédiés depuis les États-Unis. De quoi leur permettre de baisser leurs tarifs. Pour se démarquer de Temu et Shein, la société met en avant ses garanties de protection, reconnues par les consommateurs américains.
Dépenses publicitaires – Au printemps, Amazon avait déjà riposté aux plateformes chinoises en abaissant ses commissions sur les vêtements vendus à moins de 20 dollars par les marchands tiers. “Une demi-solution”, estimait alors Juozas Kaziukenas, directeur du cabinet Marketplace Pulse. Avec Haul, le groupe pourrait être un peu mieux armé. Cette initiative semble cependant trop limitée pour remettre en cause l’important succès de Shein et de Temu. D’abord, parce qu’il ne s’agit que d’une section parmi d’autres sur le site d’Amazon, ce qui pourrait se traduire par une faible visibilité (pour y accéder, les acheteurs doivent aujourd’hui passer par la barre de recherche). Ensuite, parce que Temu multiplie les campagnes marketing. “Amazon ne va pas faire de publicités pendant le Super Bowl pour Haul”, résume Juozas Kaziukenas.
Pour aller plus loin
– Pourquoi Temu se retrouve dans le collimateur de Bruxelles
– Comment un algorithme secret a rapporté un milliard de dollars à Amazon