Il y a un an, Atomico se voulait résolument optimiste. Malgré une chute vertigineuse des levées de fonds en Europe après deux années de “surchauffe”, le fonds de capital-risque britannique assurait que la reprise était “en cours”. Mais ses espoirs, et ceux de l’écosystème, ne se sont pas matérialisés. Dans son rapport annuel, publié ce mardi, il prédit en effet que les start-up européennes vont récolter 45 milliards de dollars auprès d’investisseurs en 2024. Ce serait légèrement moins que les 47 milliards de 2023. Et surtout très loin des sommets touchés en 2021, quand les tours de table avaient atteint la barre des 100 milliards. Les plus rassurants souligneront que ce chiffre reste supérieur à 2020, dernière année “normale” avant l’euphorie post-Covid. Mais ce n’est, en réalité, même pas le cas en tenant compte de l’inflation.
L’IA ne suffit pas – Entamée à l’été 2022, la chute des levées a été précipitée par le resserrement des politiques monétaires, qui a mis fin à une période d’argent facile. Aucun pays n’a été épargné, mais l’Europe met plus de temps à rebondir que les États-Unis. Au deuxième trimestre, le montant recueilli par les start-up américaines a en effet grimpé de 50%, selon les données de Pitchbook. Cette forte augmentation s’explique par l’essor de l’intelligence artificielle générative, qui suscite une nouvelle vague d’investissements. Celle-ci existe aussi en Europe, où elle est cependant moins marquée. En 2024, les fonds fléchés vers les start-up européennes d’IA devraient atteindre un nouveau record, à 11 milliards de dollars, soit 50% de plus que l’an passé. Pas suffisant pour combler le repli des autres secteurs.
Dry powder en baisse – Selon les estimations d’Atomico, le nombre de levées devrait continuer de chuter sur le continent. Seulement 4.800 opérations devraient être menées cette année, contre 6.300 en 2023 et 9.400 en 2021. Ce serait ainsi le plus faible total depuis 2016. Petite consolation: le montant moyen et les valorisations sont repartis à la hausse. Mais les perspectives restent fragiles, alors que 60% des fondateurs estiment qu’il est de plus en plus compliqué d’attirer des investisseurs. Ces difficultés touchent aussi les fonds de capital-risque, qui accusent une chute de leur collecte. Au premier semestre, ils n’ont levé que 6,8 milliards de dollars, selon le collectif Invest Europe, le plus faible montant depuis 2018. Conséquence: le dry powder, les liquidités que les fonds doivent encore investir, commence à baisser.
Chute des sorties – Cette tendance est accentuée par le plongeon des sorties, qui doivent permettre de pérenniser un écosystème sur le long terme. Point faible historique de la tech européenne, celles-ci vont tomber à leur plus bas niveau depuis au moins dix ans, date du premier rapport d’Atomico. À date, la valorisation des (rares) introductions en Bourse ne se chiffre qu’à trois milliards de dollars. Et les acquisitions ne sont élevées qu’à dix milliards. Seulement deux entreprises ayant réalisé un exit ont été valorisées à plus d’un milliard de dollars, contre dix l’an passé. Dans ce contexte difficile, les start-up ont choisi de “solidifier leurs finances”, souligne le fonds. Autrement dit: limiter leurs pertes pour tenir plus longtemps sur leurs liquidités. Le recours à l’endettement a aussi fortement augmenté.
Pour aller plus loin:
– Une attaque “délibérée”: la French Tech entre dans une nouvelle ère
– Douche froide pour la reprise des IPO technologiques