Par , publié le 26 novembre 2024

C’est à la fois une étape majeure et un pari très risqué pour Huawei. Mardi, le groupe de Shenzhen lance officiellement la commercialisation du Mate 70, son premier smartphone équipé d’un système d’exploitation entièrement conçu en interne – le premier aussi entièrement développé en Chine. Face aux sanctions américaines qui le visent depuis quatre ans, il s’affranchit ainsi définitivement de la version open source d’Android, sur laquelle il s’appuyait. Mais il abandonne également la possibilité pour ses utilisateurs de continuer à télécharger des applications conçues pour l’OS mobile de Google. Sa boutique n’en offre que 15.000, très loin des millions disponibles sur les smartphones rivaux. Un handicap potentiellement énorme, alors que Huawei cherche à consolider les positions regagnées sur un marché chinois extrêmement compétitif.

Liste noire – Accusé d’espionnage au profit de Pékin, Huawei a été placé en septembre 2020 sur une liste noire par les États-Unis, ne lui permettant pas, sauf dérogation, d’utiliser des technologies américaines. Cette sanction a eu deux impacts majeurs pour ses smartphones. D’abord, l’interdiction d’acheter des puces 5G à Qualcomm, alors même que le marché chinois migrait massivement vers cette technologie. Ce problème a été, en partie, résolu l’an passé grâce aux progrès de sa filiale HiSilicon et du fondeur chinois SMIC, capables de concevoir puis de produire à grande échelle un système sur puce gravé en 7nm. Depuis un an, Huawei retrouve donc des couleurs en Chine, notamment au détriment d’Apple. Selon Counterpoint, sa part de marché s’est élevée à 18% au troisième trimestre. La marque est seulement devancée par sa compatriote Vivo.

“99,9% des besoins” – Deuxième impact: l’impossibilité d’installer Android. Le système d’exploitation a été remplacé par un logiciel maison, baptisé HarmonyOS et désormais installé sur un milliard d’appareils. Celui-ci est dépourvu des services de Google, en particulier de la boutique Play Store. Mais il existait plusieurs méthodes pour contourner cette absence et continuer à télécharger des applications. Cela n’est plus possible sur la nouvelle version, connue sous le nom de code HarmonyOS Next, qui n’a pas été conçue à partir de la version open source d’Android. Le Mate 70 est le premier smartphone sur lequel elle est installée par défaut. C’est donc un test d’envergure pour le groupe. Ses dirigeants promettent que 100.000 applications seront disponibles d’ici “six à douze mois”, permettant de répondre à “99,9% des besoins”.

Patriotisme – Déjà faible, le nombre d’applications masque en outre l’absence de certaines fonctionnalités. Selon le Financial Times, c’est notamment le cas de l’intégration de WeChat Pay, le système de paiement mobile de Tencent utilisé par un milliard de personnes en Chine. Des limitations que Huawei assume, assurant que la transition vers un OS maison est indispensable pour se mettre à l’abri de nouvelles restrictions américaines. Avec le Mate 70, le groupe espère malgré tout poursuivre sa belle dynamique commerciale, lancée par la gamme Mate 60. Trois millions de précommandes ont été enregistrées, pour un million d’exemplaires mis en vente au lancement. Huawei met en avant les gains de performance et de durée de vie de la batterie offerts par HarmonyOS Next. Et compte sur un élan de patriotisme des consommateurs chinois. 

Pour aller plus loin:
– Sociétés écrans et usines fantômes: comment Huawei déjoue les sanctions américaines
– Huawei lance le premier smartphone qui se plie en trois


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