Depuis lundi, les internautes allemands qui recherchent un hôtel sur Google ont une drôle de surprise. Au lieu de voir s’afficher une carte avec plusieurs recommandations, ils doivent se contenter d’une liste de “dix liens bleus” vers des plateformes de réservation. Cet étonnant retour en arrière s’inscrit dans le cadre d’une expérimentation “courte et temporaire” menée dans trois pays européens – l’Allemagne, la Belgique et l’Estonie. Objectif: “comprendre comment de tels changements affectent à la fois l’expérience utilisateur et le trafic vers les sites Internet”, explique Oliver Bethell, directeur juridique sur le continent. Mais c’est aussi le moyen pour le géant de Mountain View d’envoyer un message à la Commission européenne, alors qu’elle pourrait lui imposer des modifications dans le cadre du Digital Markets Act.
Traitement préférentiel – Entré en vigueur en mars, cette nouvelle réglementation ambitionne de renforcer la concurrence dans le secteur du numérique, en ciblant les “contrôleurs d’accès”, dont fait partie Google. Le texte leur interdit notamment d’accorder un traitement préférentiel à leurs propres services, au détriment de ceux de leurs concurrents. Cela signifie que le moteur de recherche ne peut plus mettre en avant son comparateur de prix, sa plateforme de réservation d’hôtels ou son service d’achat de billets d’avion. Pour se conformer au DMA, il indique avoir mis en place plus de 20 changements. Ceux-ci ont bénéficié aux agrégateurs de voyage et aux comparateurs de prix, explique-t-il. Mais ils se sont aussi traduits par une baisse des clics vers les sites d’hôtels, de compagnies aériennes ou de petits distributeurs.
Enquête de Bruxelles – Pour répondre aux critiques, Google a donc proposé mardi des ajustements. Le groupe américain va notamment afficher deux modules “présentés de manière uniforme” proposant d’un côté des liens vers des comparateurs et agrégateurs; et de l’autre des liens vers les sites de restaurants, d’hôtels ou de commerces. Il va aussi introduire de nouveaux formats permettant d’afficher des photos et des prix. “C’est la bonne façon de concilier les compromis difficiles que le DMA implique”, assure Oliver Bethell. Avec ces nouveaux changements, la société espère surtout satisfaire Bruxelles. En mars, la Commission a ouvert une enquête préliminaire sur les mesures mises en place par Google. Elle expliquait alors redouter que les services rivaux ne soient pas “traités de manière juste et non discriminatoire”.
Expérience utilisateur – Google craint que l’exécutif européen ne lui demande d’aller encore plus loin, alors que certains “continuent d’exiger une interdiction totale de tout ce qui est plus sophistiqué qu’un simple lien bleu vers un site web”, rappelle son responsable juridique. La société estime en avoir déjà fait beaucoup pour se conformer au DMA, sacrifiant une partie de l’expérience utilisateur. Par exemple, elle a “supprimé des fonctionnalités utiles de la page des résultats de recherche et réduit les fonctionnalités de certaines cartes cliquables”. L’expérimentation menée en Allemagne, en Belgique et en Estonie a ainsi pour but de démontrer l’impact négatif, pour les utilisateurs et pour les entreprises, de modifications encore plus importantes, qui constitueraient dans les faits un retour en arrière.
Pour aller plus loin:
– Apple, premier géant du numérique sanctionné dans le cadre du DMA ?
– À Bruxelles, Henna Virkkunen reprend les rênes du DMA et du DSA