Au printemps, Sam Altman se disait opposé à l’arrivée de la publicité sur ChatGPT, la qualifiant de “modèle économique de dernier recours”. Pourtant, OpenAI étudie bien cette possibilité, reconnaît Sarah Friar, sa nouvelle directrice financière, interrogée par le Financial Times. Selon le quotidien britannique, le patron de la start-up commence d’ailleurs à se montrer favorable à ce changement radical. Celui-ci n’est cependant pas imminent, explique la responsable, sous-entendant que d’autres pistes de monétisation pourraient d’abord être privilégiées. Reste que le virage publicitaire d’OpenAI apparaît de plus en plus inéluctable, alors que la popularité croissante de la version gratuite de son chatbot vedette – qui attire désormais plus de 300 millions d’utilisateurs par semaine – se traduit par de très lourdes pertes.
Idée “dérangeante” – En mai, Sam Altman expliquait “détester” la publicité, notamment parce qu’elle nuit souvent à l’expérience utilisateur en réorientant les priorités des entreprises. L’entrepreneur trouvait même “dérangeante” l’idée de l’associer avec l’IA. “Quand ChatGPT me répond, je ne veux pas avoir à déterminer qui paie combien pour influencer les résultats”, soulignait-il. Face à ces inquiétudes, Sarah Friar promet de mener la transition de manière “réfléchie”. La directrice financière compte notamment sur l’expérience de Kevin Weil, nommé directeur des produits en juin, qui occupait le même poste chez Instagram au moment du déploiement des premières publicités. En mai, OpenAI a aussi recruté Shivakumar Venkataraman, un profil plus technique: il a été pendant six ans le responsable de l’ingénierie publicitaire de Google.
Comme Google ? – Les déclarations de Sarah Friar interviennent seulement un mois après le lancement d’une nouvelle fonctionnalité de recherche, baptisée ChatGPT Search, capable de trouver des informations sur Internet pour les combiner avec la puissance de l’IA. Ce n’est peut-être pas une coïncidence: ce format semble mieux adapté à l’ajout de liens publicitaires. D’ailleurs, Google commence à tester un premier format dans son module “AI Overviews”, qui apparaît au-dessus des résultats traditionnels. Il s’agit d’un carrousel de produits sponsorisés (les marques ou les distributeurs doivent payer pour y apparaître) lorsqu’un internaute pose une question avec un “angle commercial”. Le potentiel pourrait être important: selon les estimations d’Adobe, 20% des Américains ont utilisé un chatbot pendant leurs achats du Black Friday.
Pertes abyssales – La publicité offrirait à OpenAI un relais de croissance. Pour le moment, la start-up dispose de deux sources de revenus. D’abord, des API (interfaces de programmation) qui permettent aux développeurs d’intégrer ses modèles dans des applications. Ensuite, des abonnements payants. Les centaines de millions d’utilisateurs gratuits ne lui rapportent rien. “Les gens riches paient pour donner un accès gratuit aux plus pauvres”, assumait Sam Altman, lors de la même intervention. Cette philosophie se traduit cependant par des pertes abyssales en raison des coûts de fonctionnement élevé de l’IA. OpenAI devrait ainsi perdre cinq milliards de dollars cette année. Un déficit qui menace encore de s’accroître alors que la société espère atteindre un milliard d’utilisateurs l’an prochain. Et bâtir ses propres data centers.
Pour aller plus loin:
– Le statut juridique d’OpenAI cristallise les tensions avec Microsoft
– Comment la course aux profits s’est imposée dans l’IA