C’est un procès explosif qui s’est ouvert lundi devant un tribunal du Delaware, aux États-Unis. Et qui pourrait avoir d’immenses répercussions pour Qualcomm – mais aussi indirectement pour les marques de smartphones et celles de PC. Le groupe de San Diego, premier fabricant mondial de puces mobiles, est poursuivi par Arm Holdings. Le concepteur britannique de l’architecture éponyme, dont il est un partenaire historique ainsi que le principal client, l’accuse depuis deux ans de rupture de contrat. Il ne réclame pas de dédommagement financier. Mais encore plus pénalisant: la destruction du design des processeurs (CPU) intégrés à la dernière gamme de produits Qualcomm. Un verdict est attendu avant la fin de semaine. Beaucoup d’observateurs anticipent cependant qu’un accord à l’amiable entre les deux groupes sera trouvé d’ici là.
Architecture ARM – Détenu par le conglomérat japonais Softbank, et un temps convoité par Nvidia, Arm propose un jeu d’instructions pour concevoir des puces. Celui-ci est devenu archi-dominant sur le marché des smartphones et tablettes, en particulier grâce à sa faible consommation d’énergie. Qualcomm utilise ainsi l’architecture ARM pour ses systèmes sur puce (SoC) Snapdragon, des circuits intégrés qui rassemblent le processeur, la carte graphique ou encore la puce Wifi. Selon les estimations de Bernstein, il verse 300 millions de dollars de redevances annuelles. Ces dernières années, les relations entre les deux entreprises se sont nettement détériorées. Qualcomm se sent menacé par les ambitions d’Arm, qui cherche à concevoir ses propres puces mobiles. Et le groupe est l’un des plus fervents supporters de l’architecture concurrente RISC-V.
Licences de Nuvia – Le conflit judiciaire entre les deux partenaires a été précipité par l’acquisition en mars 2021 de Nuvia par Qualcomm, pour 1,4 milliard de dollars. Une opération stratégique: avec cette start-up fondée par des anciens d’Apple, le géant américain a renforcé son expertise dans le domaine des processeurs. Il a ainsi pu concevoir une nouvelle génération de CPU, baptisée Oryon et officiellement lancée cette année dans les derniers SoC maison. Peu après ce rachat, Qualcomm a mis un terme à la licence que payait Nuvia auprès d’Arm, estimant disposer en son nom d’une licence assez large pour couvrir l’intégration de son savoir-faire. Une interprétation contestée par la société britannique, qui souligne que les licences versées par Nuvia étaient “plusieurs fois” supérieures à celles payées par son acquéreur.
Accord à l’amiable ? – Arm chiffre le manque à gagner à 50 millions de dollars par an. Une somme relativement faible compte tenu des risques que ferait peser une condamnation de Qualcomm. Son CPU Oryon, dont le design devra être détruit, est en effet intégré aux derniers Snapdragon, destinés aux smartphones les plus puissants, comme les prochains Galaxy S25 de Samsung, mais aussi aux PC IA, que Microsoft tente d’imposer. En outre, Arm menace de lui retirer sa licence, ce qui l’empêcherait, en théorie, de vendre l’ensemble de son catalogue. Le groupe britannique ne sortirait pas indemne non plus. Il perdrait une importante source de recettes. Et il repousserait, voire handicaperait, la transition annoncée de l’architecture PC dominante x86, d’Intel et AMD, vers la sienne. Un accord à l’amiable semble donc préférable aux deux parties.
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