Pour Meta, les ennemis de ses ennemis ne sont pas forcément ses amis. La semaine dernière, la maison mère de Facebook a apporté son soutien à Elon Musk, malgré l’inimitié profonde qu’il entretient avec son patron Mark Zuckerberg, dans son combat judiciaire contre OpenAI. Objectif: empêcher le concepteur de ChatGPT d’abandonner son statut à but non lucratif. Un tel changement aurait des “implications systémiques”, fait-elle valoir dans une lettre adressée au procureur général de Californie, redoutant une “prolifération de start-up prétendument caritatives jusqu’à ce qu’elles deviennent potentiellement rentables”. Mais la démarche est aussi intéressée: la modification de son statut juridique pourrait donner à OpenAI des ressources encore plus grandes pour lutter contre Meta, qui développe également des modèles d’intelligence artificielle générative.
Profits plafonnés – Lors de son lancement en 2015, OpenAI est une organisation à but non lucratif, soutenue par quelques grands noms de la Silicon Valley, qui ambitionne alors de développer une IA devant bénéficier à l’humanité, sans être dictée par une logique de profit. En 2019, devant la nécessité de trouver des fonds, une nouvelle entité juridique est cependant créée: une filiale à “but lucratif plafonné”. C’est dans cette dernière que Microsoft a injecté près de quatorze milliards de dollars. Cette structure hybride a longtemps été une source de conflits internes. Surtout, elle représente un frein majeur dans les ambitions de son patron Sam Altman. Elle prévoit en effet que Microsoft capte la plus grande partie des profits jusqu’à un certain montant. Au-delà, l’ensemble des bénéfices doit revenir à la fondation caritative.
Musk attaque – Face à ses besoins de liquidités, OpenAI a d’abord demandé une rallonge au groupe de Redmond, qui a refusé. La start-up a donc dû trouver de nouveaux investisseurs. Et leur promettre de devenir une société à but lucratif avant fin 2026. Faute de quoi elle devra rembourser sa dernière levée de fonds de 6,6 milliards de dollars réalisée en octobre. Ses équipes juridiques s’activent depuis pour mener cette transition, qui s’accompagne d’importantes incertitudes juridiques. Fin novembre, Elon Musk a demandé à la justice de bloquer temporairement les projets d’OpenAI. Le milliardaire, qui a financé en partie les premiers pas de la start-up avant de claquer la porte, l’accuse d’une supercherie d’une “ampleur shakespearienne” pour obtenir de l’argent, tout en ayant dès le départ un objectif lucratif caché à long terme.
Faille – Meta n’a pas saisi les tribunaux. Mais la société demande aux autorités californiennes d’intervenir. Elle met avant d’autres arguments. Selon elle, un changement de statut d’OpenAI ouvrirait une faille, permettant à des start-up de se lancer en tant qu’organisation à but non lucratif. Cela leur permettrait de remplacer des levées de fonds par des donations déductibles des impôts pour financer leur développement, puis de devenir des sociétés lucratives quand les premiers profits arrivent. Autrement dit, ces start-up profiteraient des lois sur les donations pour attirer des investisseurs, au détriment de leurs concurrentes ayant opté pour une structure commerciale. Et les investisseurs profiteraient de crédits d’impôt, tout en captant par la suite des plus-values. “Toute start-up cherchant à rester compétitive devra adopter la même stratégie”, estime Meta.
Pour aller plus loin:
– L’intelligence artificielle, le nouveau pari de Mark Zuckerberg
– Elon Musk lève six milliards de dollars pour concurrencer ChatGPT