La pression était déjà forte sur Bruxelles. Elle l’est encore plus avant l’entretien, diffusé ce jeudi sur X, entre Elon Musk et Alice Weidel, la cheffe de file du parti d’extrême droite allemand AfD pour les élections législatives qui se tiendront fin février. Interpellés par des élus allemands, des responsables de la Commission européenne se sont engagés à poursuivre “énergiquement” l’enquête formelle lancée en décembre 2023 contre le réseau social racheté il y a deux ans par le patron de Tesla. Les conclusions seront publiées “le plus tôt possible”, ont aussi promis, dans un courrier consulté par l’agence Bloomberg, Henna Virkkunen, la nouvelle commissaire européenne à la souveraineté technologique, et Michael McGrath, son homologue à la justice. La France réclame, également, “la plus grande fermeté” à Bruxelles.
Désinformation – L’enquête de la Commission s’inscrit dans le cadre du Digital Services Act, qui impose de nouvelles obligations en matière de modération aux grandes plateformes Internet. Celle-ci semblait inéluctable après des mois de tensions entre les responsables du continent et Elon Musk. Les investigations des services européens portent sur deux points principaux. D’une part, les outils mis en place par X pour supprimer les messages illégaux, une obligation désormais. Et d’autre part, le système de notes de la communauté, affichées sous les messages jugés mensongers. Celui-ci pourrait être trop limité pour être efficace, notamment en raison d’un nombre suffisant de volontaires pour certaines langues du continent. X risque une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires. Avant une éventuelle (et plus improbable) interdiction.
Modération allégée – Depuis son rachat par Elon Musk pour 44 milliards de dollars en octobre 2022, X a fortement allégé sa politique de modération. Par choix idéologique, le milliardaire se présentant comme le défenseur de la liberté d’expression qu’il estime menacée. Mais aussi par volonté de réduire les coûts: les équipes de modération, internes et externes, ont été décimées, particulièrement en dehors des États-Unis. La société a ainsi décidé de ne plus supprimer les messages haineux, mais seulement de limiter leur portée – sans que l’on ne sache vraiment si ce système est véritablement mis en place. Elle a aussi déclaré une amnistie générale sur les comptes bannis par la précédente direction, notamment pour avoir diffusé des contenus haineux et de fausses informations. Et elle a supprimé les équipes de fact-checking.
Rôle officiel – Depuis l’ouverture de l’enquête de Bruxelles, la situation s’est encore envenimée. Elon Musk multiplie les ingérences dans la politique européenne, attaquant en particulier le chancelier allemand Olaf Scholz. Et appelant à voter pour un parti que même l’extrême droite française juge trop extrémiste. L’entretien avec Alice Weidel n’est pas contraire au DSA. Mais une potentielle promotion à outrance par l’intermédiaire de l’algorithme de recommandations pourrait l’être. Lundi, Emmanuel Macron a accusé le patron de X de soutenir une “nouvelle internationale réactionnaire”. De son côté, la Commission ne semble pas vouloir se précipiter, rappelant la nécessité de ne pas négliger la procédure. Elle sait aussi que le dossier est explosif: dans deux semaines, Elon Musk aura un rôle officiel au sein de l’administration Trump.
Pour aller plus loin:
– À Bruxelles, Henna Virkkunen reprend les rênes du DMA et du DSA
– Face à Elon Musk, la justice brésilienne bloque l’accès à X