Par , publié le 3 février 2025

Une semaine après le vent de panique qui a secoué Wall Street, les États-Unis cherchent toujours à comprendre ce qui se cache derrière les avancées spectaculaires du chinois DeepSeek, qui ont bousculé les certitudes dans l’intelligence artificielle générative. Non seulement ce laboratoire de recherche a réussi à concevoir des modèles parmi les plus performants du marché. Mais il assure aussi y être parvenu en dépensant moins de six millions de dollars lors de la phase d’entraînement. Selon l’agence Bloomberg, l’administration américaine le soupçonne d’avoir acheté illégalement des cartes graphiques H100 de Nvidia, la référence du secteur, dont l’exportation vers la Chine est interdite depuis deux ans et demi. De son côté, OpenAI explique étudier des éléments qui prouveraient que Deepseek s’est appuyé sur ses modèles.

10.000 H100 ? – Les spéculations vont bon train sur la véritable infrastructure informatique à la disposition de DeepSeek. En particulier après les déclarations d’Alexandr Wang, le patron de la start-up américaine Scale AI, assurant que le laboratoire disposait de 50.000 puces H100. Dans un papier de recherche publié fin décembre, celui-ci assure n’avoir utilisé que 2.048 H800, une version moins puissante dont l’exportation vers la Chine n’a été interdite qu’en octobre 2023, pour concevoir son modèle V3. En revanche, il ne précise pas les GPU employés pour l’entraînement de son modèle de raisonnement R1, publié fin janvier. Des analystes le soupçonnent de cacher le fait qu’il possède des H100. Dans une note publiée en fin de semaine, le cabinet SemiAnalysis estime ainsi que DeepSeek dispose de 10.000 exemplaires de ce GPU.

Sociétés écran – Pour mettre la main sur ces puces, le groupe chinois aurait pu passer par Singapour, estiment les autorités américaines. L’archipel est régulièrement soupçonné d’abriter un réseau de sociétés écran permettant de cacher la véritable destination des commandes effectuées auprès de Nvidia. Il représente désormais 22% de son chiffre d’affaires, contre 9% fin 2023, date à laquelle les États-Unis avaient élargi leurs restrictions d’exportation à des pays “amis” de Pékin, estimant qu’ils ne servaient en réalité que d’intermédiaires pour des entreprises chinoises. La société réfute ces accusations. “Les recettes associées à Singapour n’indiquent pas de diversion vers la Chine, assure-t-elle. Beaucoup de nos clients y possèdent des entités commerciales qu’ils utilisent pour des produits destinés aux États-Unis et à l’Occident”.

Nouvelles restrictions ? – Les avancées de DeepSeek pourraient pousser Washington à réagir. Avant de passer la main, l’administration Biden avait présenté de nouvelles règles pour imposer des quotas d’exportation vers quasiment tous les pays. Cela se traduirait par une baisse massive des ventes de Nvidia à Singapour. Et donc, en théorie, par davantage d’obstacles pour les sociétés chinoises. L’administration Trump n’a pas encore indiqué si elle avait décidé d’appliquer cette réglementation. Elle réfléchit en revanche à interdire la vente en Chine du GPU H20, une version encore plus bridée, lancée fin 2023 par Nvidia pour remplacer le H800. Farouchement opposé à ces restrictions, Jensen Huang, le patron du géant des cartes graphiques, a rencontré Donald Trump samedi à la Maison Blanche, pour essayer de le convaincre.

Pour aller plus loin:
– Les États-Unis veulent transformer les puces d’IA en arme géopolitique
Washington interdit l’exportation vers la Chine de puces mémoire dédiées à l’IA


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