L’étau se resserre autour des nouvelles règles sur le pistage publicitaire mises en place par Apple en 2021. Jeudi dernier, le gendarme allemand de la concurrence a en effet notifié un grief au groupe à la pomme. Il lui reproche de s’être octroyé un traitement préférentiel, qui pourrait lui permettre de capter une part plus importante du marché publicitaire sur son système iOS. Une pratique interdite dans le cadre d’une nouvelle loi sur les entreprises ayant une “importance primordiale sur la concurrence”, explique le Bundeskartellamt. Apple va désormais pouvoir répondre à ces allégations. Un verdict est attendu en fin d’année ou l’an prochain. D’ici là, l’Autorité de la concurrence française se sera aussi prononcée dans une procédure similaire. Selon nos informations, sa décision a été mise en délibéré. Elle sera officialisée fin mars.
Identifiant unique – Connues sous le nom d’App Tracking Transparency (ATT), les nouvelles règles d’Apple ont remis en cause le fonctionnement de la machine publicitaire sur iPhone. Jusqu’en 2021, celle-ci reposait principalement sur un identifiant unique, l’IDFA, suivant à la trace le comportement des utilisateurs. Il permet notamment d’afficher des publicités mieux ciblées, mais aussi de mesurer leur efficacité. Par exemple, il permet de savoir si un utilisateur a téléchargé un jeu après avoir vu une annonce. Chaque application voulant utiliser cet identifiant doit désormais obtenir le consentement. Mais la plus grande partie des possesseurs d’iPhone ont rejeté le pistage publicitaire. Cela se traduit par un manque à gagner important pour les développeurs, d’autant plus que l’alternative offerte par Apple ne convainc pas grand monde.
Distorsion de concurrence – Le Bundeskartellamt souligne d’abord que les restrictions les plus strictes ne s’appliquent pas à Apple. Or, la société est devenue un acteur important de la publicité sur le segment du marché mobile qui progresse le plus vite: les app install. Elle propose en effet aux développeurs de mettre en avant leur application sur sa boutique App Store. Contrairement aux autres, elle peut combiner l’ensemble des données qu’elle collecte pour afficher des publicités ciblées, plus attractives pour les annonceurs. Cette différence de traitement pourrait représenter une distorsion de concurrence, au détriment des autres acteurs du secteur. De fait, Apple a enregistré une forte croissance de ses recettes publicitaires ces dernières années, dépassant même Meta sur les apps install, selon les estimations du cabinet eMarketer.
Messages différents – Le groupe de Cupertino répond à cette critique en expliquant qu’il demande également le consentement des utilisateurs avant d’utiliser leurs données. Mais le Bundeskartellamt souligne qu’il n’affiche au maximum que deux fenêtres pour obtenir cette autorisation, contre quatre pour les autres applications. Et il ne fait pas référence au traitement des données par ses propres services, assure le gendarme allemand de la concurrence. En outre, les messages affichés sont très différents. Sur les applications d’Apple, ils sont conçus de manière à encourager les utilisateurs à autoriser le traitement des données, estime le Bundeskartellamt. Sur les autres applications, ils les incitent au contraire à refuser le pistage publicitaire. En cas de condamnation, Apple risque une amende pouvant atteindre 10% de son chiffre d’affaires.
Pour aller plus loin:
– L’Europe ouvre une procédure contre Apple dans le cadre du DMA
– Comment Amazon veut étendre son empire publicitaire