Par , publié le 4 mars 2025

Il y a quelques mois, les résultats financiers de Nvidia auraient probablement été accueillis avec enthousiasme par Wall Street. Au quatrième trimestre, le géant des cartes graphiques a dépassé les attentes, avec un chiffre d’affaires record de 39,3 milliards de dollars, en hausse de 78%, et des profits de 22,1 milliards. Mais une partie des investisseurs doutent désormais que la demande future pour ses puces dédiées à l’intelligence artificielle générative justifie encore une capitalisation boursière de 3.000 milliards de dollars. Car les signaux d’alerte s’accumulent. Le déploiement de l’IA dans les entreprises ne décolle pas. Les restrictions d’exportation de GPU pourraient être renforcées. Et les avancées de DeepSeek semblent démontrer qu’il est possible de concevoir des modèles compétitifs sans une immense puissance de calcul.

Lancement de Blackwell – Nvidia a aussi franchi une étape cruciale: le lancement commercial de son architecture Blackwell. Celle-ci affiche des performances bien supérieures à l’architecture Hopper, sur laquelle est bâti le H100, qui a longtemps été la référence du secteur. Son développement ne s’est pas fait sans difficulté, notamment à cause de problèmes de surchauffe. Entre novembre et janvier, ces nouveaux GPU ont généré 11 milliards de dollars de ventes. “La demande est extraordinaire”, assure Jensen Huang, le patron du groupe de Santa Clara, qui promet une accélération des cadences de production. Non seulement Blackwell lui permet de reprendre ses distances sur la concurrence. Mais c’est aussi le point de départ d’une feuille de route visant à doubler le rythme d’innovation, avec un nouveau modèle par an, au lieu de tous les deux ans.

Paradoxe de Jevons – La croissance folle du chiffre d’affaires pourrait cependant être menacée par les techniques d’entraînement mis au point par la start-up chinoise DeepSeek. S’il est encore trop tôt pour mesurer leur impact précis, celles-ci pourraient entraîner un changement de paradigme sur un secteur habitué à dépenser des sommes folles pour accroître ses capacités de calcul, en achetant des dizaines ou centaines de milliers de GPU vendus à prix d’or. Jensen Huang se montre confiant. Il estime même que cette évolution sera bénéfique pour Nvidia. En abaissant les coûts d’entraînement et d’inférence, elle devrait en effet permettre de faire baisser le prix des fonctionnalités d’IA. Et donc de doper leur adoption, jusque-là limitée par des tarifs élevés. C’est le paradoxe de Jevons, du nom de l’économiste britannique qui l’a mis en lumière.

Nouvelles restrictions – Deux autres incertitudes s’ajoutent à cette inquiétude. D’abord, Donald Trump a annoncé des droits de douane additionnels sur les puces produites hors des États-Unis. Si cette mesure est mise en place, elle s’appliquerait aux GPU de Nvidia gravés à Taïwan par TSMC. Le groupe devra alors augmenter ses prix, pénalisant potentiellement la demande, ou réduire des marges déjà sous pression – bien que toujours très élevées. Ensuite, l’administration Trump souhaite renforcer les restrictions d’exportation vers la Chine, explique l’agence Bloomberg. Cela pourrait concerner les puces H20 du groupe américain, que DeepSeek a pu acheter légalement. Par ailleurs, Washington doit encore se prononcer sur de nouvelles restrictions qui concernent quasiment tous les pays du monde, limitant les débouchés commerciaux de Nvidia.

Pour aller plus loin:
– DeepSeek, symbole d’un échec du modèle américain dans l’IA
– Nvidia dédramatise après les avancées de DeepSeek


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