Par , publié le 17 mars 2025

La menace se précise pour Google et Apple au Royaume-Uni. La semaine dernière, deux ans et demi après avoir ouvert une enquête, la Competition & Markets Authority a en effet publié ses conclusions sur le marché des navigateurs Internet. Dans un rapport de 611 pages – sans compter les cinq annexes –, le gendarme antitrust britannique détaille les pratiques mises en place par les deux géants américains afin de limiter la compétition sur ce marché. “La concurrence ne fonctionne pas, ce qui freine l’innovation”, assure Margot Daly, qui a dirigé le groupe d’enquête. La CMA propose ainsi une série de mesures correctives, visant principalement Apple, coupable des restrictions les plus graves. Celles-ci pourraient être appliquées dans le cadre d’un nouvel arsenal réglementaire, le DMCC, qui s’inspire du Digital Market Act européen.

Moteurs pré-installés – Dans son rapport, l’autorité souligne la position oligopolistique de Chrome et de Safari, qui captent 46% et 44% du marché au Royaume-Uni. Les navigateurs de Google et d’Apple profitent grandement de la position préférentielle qu’ils occupent respectivement sur les systèmes mobiles Android et iOS. Le second est en effet pré-installé et défini comme le navigateur par défaut sur chaque iPhone et iPad. Le premier l’est aussi sur quasiment tous les appareils Android, grâce à des accords commerciaux signés avec les principaux fabricants de smartphones et tablettes. Or, la CMA note que 84% des utilisateurs n’ont jamais téléchargé un autre navigateur depuis une boutique d’applications, notamment parce qu’ils “ne comprennent pas facilement ce qu’est un navigateur”. Cela explique pourquoi aucun concurrent n’a réussi à émerger.

Webkit obligatoire – Sur iOS, la CMA note par ailleurs qu’Apple contraint ses rivaux à utiliser la même technologie que Safari, appelée WebKit, sans pour autant leur donner accès à toutes les fonctionnalités. Cette obligation signifie que ces navigateurs “ne peuvent pas rivaliser en proposant des améliorations”. Autrement dit: l’incitation à utiliser un concurrent est limitée. Cette situation permet aussi au groupe à la pomme de contrôler le rythme d’innovation. Et ainsi, selon la CMA, de limiter les fonctionnalités des applications Web, qui peuvent être installées sans passer par une boutique, permettant d’échapper aux commissions d’Apple sur les achats et abonnements. Enfin, le gendarme antitrust estime que Google a peu d’intérêt à investir massivement pour détrôner son rival sur iOS, car un accord lui assure d’être le moteur de recherche par défaut de Safari.

Écran de sélection – Pour relancer la concurrence, la CMA propose la mise en place d’un écran de sélection du navigateur lors de la première utilisation d’un smartphone ou d’une tablette. Une pratique déjà imposée par le DMA européen, qui a permis aux navigateurs alternatifs de gagner du terrain – sans toutefois remettre en cause l’archi domination des deux géants. Le régulateur préconise également de mettre fin, comme en Europe, à l’exclusivité de WebKit sur iOS. Il demande enfin l’interdiction des accords commerciaux entre Google et les fabricants. Ces propositions pourraient se concrétiser dans le cadre du DMCC, adopté fin janvier. Ce texte donne en effet à la CMA le pouvoir d’imposer des mesures correctives aux entreprises ayant un “pouvoir de marché substantiel”. Une désignation qui sera très probablement attribuée à Google et Apple.

Pour aller plus loin:
– Comment la CMA est devenue la nouvelle bête noire des géants de la tech
– Au Royaume-Uni, Apple affronte une première class action à haut risque


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité