Apple ne semble pas enclin à changer ses pratiques sur le pistage publicitaire. Pourtant, le groupe à la pomme a été condamné lundi par l’autorité de la concurrence à une amende de 150 millions d’euros. Il a été reconnu coupable d’abus de position dominante dans la distribution d’applications mobiles, en raison de la mise en place d’une nouvelle fenêtre de consentement. Se disant “déçu” de ce verdict sans grande surprise, il se contente de souligner que le gendarme antitrust français “n’a pas exigé de changements spécifiques”. Autrement dit: Apple n’a aucune raison de modifier un système qui recueille un “fort soutien” de la part des consommateurs et des défenseurs de la vie privée. “Si aucun changement n’est apporté, l’illégalité persiste”, répondent les quatre organismes, représentant l’industrie publicitaire, à l’origine de l’affaire.
Identifiant unique – Connues sous le nom d’App Tracking Transparency (ATT), les nouvelles règles d’Apple ont remis en cause le fonctionnement de la machine publicitaire sur iPhone et iPad. Jusqu’en 2021, celle-ci reposait principalement sur un identifiant unique, l’IDFA, suivant à la trace le comportement des utilisateurs. Il permet notamment d’afficher des publicités mieux ciblées, mais aussi de mesurer leur efficacité. Par exemple, il permet de savoir si un utilisateur a téléchargé un jeu après avoir vu une annonce. Chaque application voulant utiliser cet identifiant doit désormais obtenir le consentement. Mais environ 70% des possesseurs d’iPhone ont rejeté le pistage publicitaire. Cela se traduit par un manque à gagner important pour les développeurs, d’autant plus que l’alternative offerte par Apple ne convainc pas grand monde.
Pas les mêmes règles – “L’objectif d’Apple n’est pas critiquable en soi”, souligne Benoît Cœuré, le président de l’Autorité de la concurrence. Le problème vient des “modalités de mise en œuvre”. Pour le régulateur, le dispositif engendre d’abord une multiplication des fenêtres de recueil de consentement: une dans le cadre du Règlement général sur la protection des données, puis une autre pour ATT. Cela complique “excessivement le parcours des utilisateurs d’applications tierces”. L’autorité souligne également que les règles sont asymétriques: le refus ne doit être effectué qu’une fois, alors que l’acceptation doit toujours être confirmée une seconde fois par l’utilisateur. En outre, Apple n’est pas soumis aux mêmes contraintes que les autres développeurs. Ses applications affichent une fenêtre de consentement différente et surtout unique.
Mise en conformité – Dans son verdict, l’Autorité de la concurrence ne reprend pas deux arguments soulevés en février par le Bundeskartellamt. Le gendarme allemand soupçonnait Apple d’une distorsion de concurrence, rendant les publicités présentes sur sa boutique App Store plus attractives pour les annonceurs. Il soulignait aussi que les messages affichés sur ses applications sont conçus de manière à encourager le consentement, quand ils incitent au contraire au refus sur les autres applications. Par ailleurs, Benoît Cœuré justifie l’absence de mesures correctives par “l’interaction forte avec le RGPD” et par “les procédures lancées dans d’autres pays”, nécessitant de laisser du temps à Apple pour déterminer les modifications à réaliser. Mais il rappelle que la condamnation inclut bien une “obligation de se mettre en conformité”. Reste à savoir quand.
Pour aller plus loin:
– L’Europe ouvre une procédure contre Apple dans le cadre du DMA
– Comment Amazon veut étendre son empire publicitaire