Trois semaines pour sauver Chrome. Lundi, Google a retrouvé le département de la Justice (DOJ) devant un tribunal américain. Le moteur de recherche, condamné l’été dernier pour abus de position dominante dans la recherche en ligne, tentera d’éviter une vente forcée de son navigateur Internet, de très loin le plus utilisé dans le monde. Cette hypothèse radicale, jugée peu probable par de nombreux experts, fait partie des mesures correctives proposées par le gouvernement. Celui-ci préconise aussi de “découpler” Android des autres services maison et d’interdire les accords commerciaux noués avec Apple ou Firefox. Objectif: renforcer la concurrence sur le secteur en s’assurant que Google ne bénéficie plus de ces avantages de distribution, qui empêchent ses rivaux d’atteindre la taille critique nécessaire pour pouvoir être véritablement compétitifs.
“Pouvoir monopolistique” – Au terme d’une procédure lancée en 2020, Google avait été reconnu coupable de pratiques anticoncurrentielles. Le juge chargé de l’affaire avait estimé que la société de Mountain View avait pu maintenir illégalement son quasi-monopole dans la recherche en ligne – elle s’accapare près de 90% du marché aux États-Unis. Et qu’elle avait profité de son “pouvoir monopolistique” pour augmenter le prix des publicités “sans aucune contrainte concurrentielle significative”. Le magistrat pointait du doigt l’obligation pour les fabricants de smartphones Android d’installer la barre de recherche Google, sous peine de ne plus avoir accès à l’indispensable boutique d’applications Play Store. Ou encore la multitude d’accords commerciaux signés avec des navigateurs concurrents de Chrome pour s’assurer d’être leur moteur par défaut.
Barre de recherche – Pour remédier à cette situation, le DOJ estime qu’il est indispensable de séparer Chrome de sa maison mère, par une scission ou une vente. Sur le papier, cela pourrait permettre à un rival de devenir le moteur de recherche par défaut du navigateur. Et donc de grossir très fortement. En revanche, les autorités ne réclament pas une vente d’Android, mais elles recommandent que la barre de recherche Google ne soit plus installée par défaut. Elles souhaitent aussi forcer l’entreprise à partager des données avec ses rivales, en particulier son index de recherche, qui recense toutes les pages Web que ses robots ont répertoriées. Et elles veulent que les éditeurs puissent refuser que leurs contenus servent à entraîner les modèles d’intelligence artificielle générative de Google. Ou à alimenter son nouveau module “AI Overviews”.
Appel – De son côté, Google juge qu’une vente forcée de Chrome serait un “remède extrême”, contraire à la jurisprudence. Le groupe avance ses propres solutions. Plutôt que d’interdire les accords commerciaux avec Apple et Firefox, il propose simplement de les rendre non exclusifs. Plutôt que d’interdire l’installation par défaut de sa barre de recherche sur Android, il milite pour laisser le choix aux fabricants de smartphone – sans préciser les modalités, notamment financières, de ce changement. Entre les demandes du DOJ et les propositions de Google, le juge peut opter pour des alternatives, comme par exemple un écran de sélection du moteur de recherche par défaut sur Chrome et Android, comme c’est le cas en Europe. Il rendra son verdict en août. Mais celui-ci ne devrait probablement pas entrer en vigueur avant la fin de la procédure d’appel.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi Google pourrait faire perdre plus de 20 milliards à Apple
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