Par , publié le 29 avril 2025

Kevin Systrom s’était jusque-là peu exprimé sur son départ abrupt d’Instagram à l’été 2018. Sept ans plus tard, le fondateur de la plateforme de photos, rachetée en 2012 par Meta pour un milliard de dollars, est l’un des témoins vedette cités par la Federal Trade Commission (FTC), dans le procès qui l’oppose à la maison mère de Facebook. À la barre, l’ancien dirigeant n’a pas seulement réglé ses comptes avec son ancien employeur, accusant à demi-mot Mark Zuckerberg de jalousie devant l’immense succès de l’application. Il a aussi remis en cause une partie de son argumentaire. Un point positif pour la FTC, qui accuse Meta d’avoir racheté Instagram et WhatsApp uniquement pour mettre la main sur des rivaux avant qu’ils ne deviennent trop menaçants. L’affaire est cruciale: elle pourrait déboucher sur la vente forcée des deux plateformes.

Sous-investissement ? – Face aux accusations du gendarme de la concurrence, la société de Menlo Park met en avant les “milliards de dollars d’investissement” qui ont rendu les deux applications “plus performantes, plus fiables et plus sécurisées”. Une vision contestée par Kevin Systrom. S’il reconnaît que la croissance aurait été moins rapide sans rachat, il estime cependant que Meta, a, en réalité, sous-investi dans Instagram. Selon lui, Mark Zuckerberg “pensait que nous étions une menace” pour la croissance de Facebook, le réseau qu’il a créé lorsqu’il était encore étudiant à Harvard. “Il y avait de véritables émotions humaines en jeu”, avance-t-il. Exemple lorsque Meta a commencé à basculer vers les vidéos: Instagram n’a bénéficié d’aucun renfort interne quand Facebook a récupéré plus de 300 employés. De quoi accréditer la thèse de la FTC.

Probabilité d’échec “faible” – Kevin Systrom pense également que l’application de photos aurait très bien pu réussir sans Meta. Il explique que certaines fonctionnalités ajoutées suite au rachat, comme la messagerie interne ou la vidéo, étaient déjà inscrites sur sa feuille de route. “Ce n’était pas forcément difficile” de les développer, indique-t-il, prenant pour exemple d’autres plateformes sociales. Il estime aussi qu’Instagram aurait pu se reposer sur AWS, le cloud d’Amazon, pour soutenir sa croissance. Une réponse à Meta, qui explique que le réseau social a grandement profité de son infrastructure informatique. Enfin, Kevin Systrom affirme que la start-up aurait facilement pu lever des fonds d’auprès d’investisseurs. “La probabilité que nous échouions était faible”, avance-t-il, tout en reconnaissant que “l’échec restait possible”.

“Fort à faire” – Ce témoignage doit permettre à la FTC de prouver que le rachat d’Instagram visait bien à empêcher l’émergence d’un potentiel concurrent à Facebook. La partie est cependant loin d’être gagnée. Depuis quatre ans, le juge chargé du dossier n’a cessé de se montrer dubitatif face aux arguments du régulateur. À plusieurs reprises, il a répété que celui-ci “aura fort à faire pour prouver ses allégations pendant un procès”. Ou encore que “ses positions poussent jusqu’à leurs limites des jurisprudences déjà fragiles”. La plainte du gouvernement américain présente en effet une faille majeure: la définition du marché. Cette procédure très technique est cruciale dans les affaires antitrust. Meta estime que le périmètre retenu par la FTC est beaucoup trop restreint. Et pour cause: il ne prend pas en compte TikTok, YouTube, Snapchat ou X.

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