Il aura fallu six ans à Amazon pour déployer les premiers minisatellites de son ambitieux projet Kuiper. La semaine dernière, le géant américain du commerce en ligne a placé en orbite 27 appareils de sa future constellation, qui vise à fournir un accès à Internet à très haut débit. Et donc à rivaliser avec l’offre Starlink de SpaceX, opérationnelle depuis 2021 et qui compte déjà plus de cinq millions d’abonnés dans le monde. Pour rattraper son retard, il prévoit de multiplier les lancements au cours des prochains mois. Une obligation aussi pour tenir les engagements pris devant la FCC, le gendarme américain des télécoms. Le calendrier s’annonce cependant très serré, car la société ne contrôle pas le rythme des lancements, assurés par des partenaires. Elle va aussi devoir multiplier par quatre les cadences de production de ses satellites, rapporte Bloomberg.
Régions reculées – Dans un premier temps, Amazon prévoit de déployer un peu plus de 3.200 satellites sur une orbite basse – à 600 kilomètres de la Terre contre 36.000 kilomètres pour les traditionnels satellites géostationnaires. Selon sa convention avec la FCC, l’entreprise doit en lancer la moitié avant juillet 2026 – même si un délai supplémentaire reste possible. Et l’intégralité avant 2029. Elle espère ensuite placer 4.500 appareils supplémentaires. Sa constellation doit permettre de connecter les régions qui ne le sont pas encore, notamment celles qui sont trop isolées pour rentabiliser la construction d’une infrastructure terrestre. Mais elle pourrait aussi concurrencer la fibre optique partout ailleurs. Le lancement commercial pourra intervenir lorsqu’une flotte de 578 satellites sera déployée. Amazon ne s’engage cependant pas sur une date.
Nombreux retards – Et pour cause, le projet Kuiper accumule les retards. Les premiers satellites expérimentaux n’ont été lancés que fin 2023, un an après la date initialement prévue. Amazon expliquait alors vouloir déployer les premiers appareils opérationnels l’année suivante, un calendrier qui n’a pas été tenu. Le groupe de Seattle ne manque pourtant pas de moyen: il prévoit de dépenser “au moins” dix milliards de dollars dans le programme. “Nos satellites font partie des plus avancés jamais fabriqués”, assure ainsi Rajeev Badyal, le responsable technologique de Kuiper. Les difficultés sont d’abord industrielles, notamment parce que ses dirigeants ont fait le choix de ne pas sous-traiter la production. Son usine ne fabrique ainsi qu’environ d’un satellite par jour, cinq fois moins que le rythme de production espéré, explique Bloomberg.
83 lancements – Autre handicap: contrairement à SpaceX, Amazon ne dispose pas de ses propres lanceurs. En 2022, la société a commandé 83 missions auprès de Blue Origin, le groupe spatial de Jeff Bezos, son fondateur et ex-patron; de l’européen Arianespace et d’United Launch Alliance, coentreprise entre Boeing et Lockheed Martin. Non seulement elle ne décide pas du calendrier, mais elle est aussi dépendante des avancées technologiques de ses partenaires. Trois des quatre fusées qui doivent transporter ses satellites – Ariane 6, New Glenn de Blue Origin et Vulcan d’ULA –, n’ont réalisé que quelques vols. Pour des raisons symboliques, Amazon avait d’abord choisi de ne pas faire appel à SpaceX, avant de signer pour trois lancements suite à une plainte d’actionnaires. Une décision qui pourrait se traduire par des délais et des coûts supplémentaires
Pour aller plus loin:
– SpaceX va investir jusqu’à 30 milliards de dollars pour son projet Starlink
– Comment OneWeb espère contrer les satellites de SpaceX