“Game over pour la taxe Apple”. Tim Sweeney peut savourer sa revanche. À l’été 2020, beaucoup l’avaient rapidement tourné en ridicule. Le patron d’Epic Games, l’éditeur du très populaire jeu vidéo Fortnite, venait alors d’attaquer frontalement le groupe à la pomme, mais aussi Google, dénonçant les commissions prélevées sur les applications mobiles. Face à ces deux mastodontes, le combat semblait perdu d’avance. Cinq ans plus tard, la justice américaine vient cependant de lui offrir une victoire majeure, ordonnant à Apple de ne plus imposer de restrictions sur le steering (redirection des utilisateurs d’une application vers un site Internet) et de ne plus récupérer un pourcentage sur les achats réalisés de cette manière. Fin 2023, Tim Sweeney avait déjà triomphé face à Google aux États-Unis, même si l’affaire se poursuit. Et il touche aussi au but en Europe.
Fortnite banni – En 2020, plusieurs entreprises accentuent leurs critiques contre les commissions instaurées par Apple et Google. Les deux groupes profitent de leur duopole sur le marché des smartphones pour s’octroyer 30% sur les achats réalisés sur les applications mobiles – des ajustements ont depuis été apportés. Epic ne se contente pas de paroles. Pour alerter les régulateurs, il décide de provoquer un conflit. En août, l’éditeur introduit son propre système de paiement sur Fortnite, violant délibérément les règles des deux géants. Immédiatement, le jeu est banni des boutiques d’applications. Epic lance alors des poursuites judiciaires aux États-Unis. “Ce combat nous a fait perdre un milliard de dollars de recettes, peut-être même plusieurs milliards”, soulignait Tim Sweeney, début janvier dans un entretien accordé au site spécialisé IGN.
Persévérance – Pour mener cette bataille, le patron d’Epic a pu compter sur la machine à cash que représente Fortnite. Il a aussi dû faire preuve de persévérance. En 2021, en première instance, sa société avait été déboutée sur l’essentiel de la procédure contre Apple. Mais il s’est battu jusqu’au bout pour faire appliquer l’injonction prononcée lors du verdict. Celle-ci pouvait sembler anodine. Elle aura été au cœur du triomphe de Tim Sweeney, car l’attitude jusqu’au-boutiste d’Apple a fini par lasser la juge chargée de l’affaire. Face à Google, l’éditeur s’est retrouvé isolé juste avant l’ouverture du procès. Les autres plaignants avaient en effet choisi de conclure un accord à l’amiable avec le moteur de recherche, estimant que l’affaire était perdue d’avance. Epic n’a pas baissé les bras. Et a fini par remporter une victoire inattendue.
Boutique d’application – Au-delà de ces deux victoires judiciaires – celle contre Google reste encore à confirmer en appel –, le combat de Tim Sweeney a aussi fait bouger les lignes auprès des autorités. Aux États-Unis, le département de la Justice a déposé une plainte antitrust contre Apple. En Europe, un nouveau cadre réglementaire, le Digital Markets Act, autorise notamment les boutiques d’applications tierces sur les systèmes iOS et Android, une révolution. Pour le moment, les deux entreprises tentent de limiter et de retarder ce changement. Une attitude dénoncée par Tim Sweeney, qui ne cesse de réclamer de lourdes amendes. Il pourrait rapidement toucher au but: en avril, Bruxelles a ouvert une procédure de non-conformité contre Apple. Epic a déjà placé ses pions, en lançant son propre magasin qui propose une commission maximale de 12%.
Pour aller plus loin:
– Comment Epic veut capitaliser sur sa victoire judiciaire contre Apple
– Les États-Unis s’attaquent au “pouvoir monopolistique” d’Apple