Le lobbying appuyé de Jensen Huang, le directeur général de Nvidia, a porté ses fruits. La semaine dernière, l’administration Trump a renoncé à appliquer de nouvelles restrictions sur les exportations de puces dédiées à l’intelligence artificielle générative. Une mesure qui aurait fortement pénalisé le géant des cartes graphiques (GPU). Cela “aurait étouffé l’innovation américaine [et] aurait également compromis les relations diplomatiques avec des dizaines de pays”, justifie le département du Commerce. Cela ne signifie pas pour autant que Washington va renoncer à utiliser l’accès à ces technologies, indispensables pour rester dans la course à l’IA, comme une arme commerciale. Pour preuve: le récent voyage de Donald Trump dans le Golfe, pendant lequel les promesses d’investissements aux États-Unis se sont multipliées… en échange de GPU de Nvidia.
Pas seulement les ennemis – Les puces d’IA sont presque exclusivement conçues par des acteurs américains, en particulier Nvidia. Cette hégémonie permet aux États-Unis de contrôler, ou au moins de limiter, l’accès aux dernières avancées technologiques. En 2022, l’administration Biden avait ainsi imposé des restrictions sur les exportations vers la Chine des GPU les plus puissants. Ces sanctions ont été durcies à plusieurs reprises pour refermer des failles qui limitaient leur efficacité. Annoncées en janvier, juste avant la passation de pouvoir, les nouvelles règles allaient beaucoup plus loin. Elles ne visaient plus seulement les pays ennemis, comme la Chine. Elles imposaient aussi des quotas à la majorité des pays, dont une partie de l’Union européenne, limitant potentiellement leur capacité à se doter de la puissance de calcul dont ils ont besoin.
Trois catégories – Dans la réglementation, rien ne changeait pour les 23 pays considérés comme une menace, comme la Chine, la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord, qui ne pouvaient toujours pas acheter les GPU américains les plus avancés. À l’opposé, rien ne changeait également pour les nations considérées comme alliées, qui n’étaient visées par aucune restriction. Cette liste n’incluait que 18 noms, dont la France. Tous les autres pays auraient été soumis à des quotas. C’était le cas de 17 des 27 membres de l’Union européenne, mais aussi d’Israël, de l’Arabie saoudite et de l’Inde. Ces pays n’auraient pu acheter que l’équivalent de 50.000 H100, l’ex-GPU de référence de Nvidia. Et 100.000 s’ils signaient un accord de sécurité technologique. Cette limite aurait représenté un nombre très restreint d’exemplaires des nouveaux et prochains accélérateurs.
Progrès chinois – Cette mesure avait notamment pour but de limiter la capacité de la Chine à mettre la main sur des puces d’IA en passant par des tiers. Selon l’agence Bloomberg, de nouvelles restrictions pourraient désormais être imposées aux pays soupçonnés de servir d’intermédiaires, comme la Malaisie et la Thaïlande. Très critiquée à l’étranger, la proposition de l’administration Biden ne faisait pas l’unanimité aux États-Unis. Les dirigeants de Nvidia, Microsoft ou encore d’Oracle ont ainsi multiplié les efforts auprès de la Maison Blanche. Au-delà de l’important manque à gagner, leur crainte était de favoriser l’émergence de rivaux étrangers, alors que plusieurs start-up européennes travaillent sur des puces d’IA. Et surtout d’ouvrir de nouveaux marchés potentiels pour les acteurs chinois, en particulier Huawei, dont les progrès rapides inquiètent.
Pour aller plus loin:
– Dans l’IA, Huawei veut profiter d’un coup de pouce de… Washington
– Face aux progrès chinois, les États-Unis accentuent leurs sanctions