Par , publié le 27 mai 2025

L’arrestation puis la mise en examen de Pavel Durov, l’été dernier en France, avaient laissé planer de gros doutes sur l’avenir de Telegram. Ses derniers résultats financiers viennent de les lever. L’an passé, l’application de messagerie a atteint la rentabilité pour la première fois de son histoire, dégageant 540 millions de dollars de profits, selon des documents obtenus par le Financial Times. Cette évolution s’explique par le bond spectaculaire du chiffre d’affaires, passé de 343 millions à 1,4 milliard en seulement un an. La société vise des recettes de 2 milliards de dollars cette année, pour 720 millions de bénéfices. Elle compte capitaliser sur sa bonne santé financière pour mener une nouvelle émission d’obligations convertibles. Une opération qui va lui accorder un délai supplémentaire avant une éventuelle introduction en Bourse.

Publicités – Lancée en 2013, Telegram revendique désormais plus d’un milliard d’utilisateurs actifs mensuels, contre 500 millions il y a trois ans. Sa popularité grandissante s’explique en partie par le rejet de WhatsApp, le leader du marché avec plus de 2 milliards d’adeptes, régulièrement rattrapé par des polémiques sur l’utilisation des données personnelles. Depuis quatre ans, la messagerie a lancé son processus de monétisation, d’abord avec des publicités, non ciblées, affichées sur les chaînes publiques, puis avec le lancement d’un abonnement payant, souscrit par plus de 12 millions d’utilisateurs. Ces deux sources représentent cependant moins de la moitié des recettes. L’essentiel du chiffre d’affaires provient d’activités réunies dans une opaque section “partenariat et écosystème” et vraisemblablement articulées autour de la cryptomonnaie Toncoin.

Obligations convertibles – Telegram a longtemps été financée par la fortune personnelle de Pavel Durov, issue de la vente du réseau social russe VKontakte. Contrairement aux autres, la start-up n’a jamais souhaité mener de levée de fonds auprès d’investisseurs. Son capital est ainsi toujours entièrement détenu par Pavel Durov. En 2018, elle pensait avoir trouvé une solution pour obtenir les liquidités nécessaires à son expansion: lancer sa propre cryptomonnaie. Mais le projet avait été bloqué par le gendarme boursier américain. Contrainte de rembourser une somme en partie dépensée, Telegram a commencé à s’endetter lourdement. Depuis 2021, elle a ainsi émis pour 2,4 milliards de dollars d’obligations convertibles en actions. Ces opérations ont déclenché un compte à rebours: entrer en Bourse avant mars 2026 ou rembourser les investisseurs.

Rachat de la dette – Début 2024, Pavel Durov s’estimait en mesure de tenir ce calendrier. Mais sa mise en examen a tout changé, alors qu’il risque jusqu’à dix ans de prison – il est accusé de complicité de diffusion d’images pédopornographiques, de complicité de trafic de stupéfiants et de blanchiment de crimes. Elle a aussi mis en lumière les risques liés à l’absence de modération des chaînes publiques et à son utilisation par des réseaux criminels. Depuis, l’application a fait volte-face, promettant de collaborer avec les autorités. Mais son introduction en Bourse reste bien incertaine. Cela signifie qu’elle ne pourra pas convertir ses obligations en actions. En anticipation, Telegram a déjà racheté pour 375 millions de dollars de sa propre dette. Et espère conclure cette semaine une nouvelle émission de 1,5 milliard pour poursuivre dans cette voie.

Pour aller plus loin:
– Après l’arrestation de Pavel Durov, Telegram se résout à collaborer avec la justice
– Telegram reconnaît avoir transmis des informations à la justice


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité