Par , publié le 12 juin 2025

Ren Zhengfei s’exprime peu. Mais le patron de Huawei est sorti de son silence pour… minimiser les avancées de son groupe dans les puces dédiées à l’intelligence artificielle générative. “Les États-Unis ont exagéré nos réalisations”, assure-t-il dans un entretien publié en début de semaine par le journal chinois Quotidien du peuple. “Nos puces ont encore une génération de retard”, a-t-il ajouté, en référence à la carte graphique Ascend 910, qui permet d’entraîner et de faire tourner des modèles d’IA. S’il semble bien correspondre à la réalité, cet aveu peut paraître surprenant. Mais il s’inscrit dans une bataille de communication. Objectif: éviter un renforcement des sanctions mises en place par Washington. “La Chine n’a pas des années de retard, mais peut-être trois à six mois tout au plus”, rétorque David Sacks, le conseiller IA de la Maison Blanche.

60% du H100 – Dans cette partie de poker menteur, Huawei allait jusqu’à présent encore plus loin, refusant de reconnaître avoir lancé de nouvelles puces d’IA. Il n’existe ainsi ni image officielle, ni fiche technique des deux dernières générations d’Ascend, commercialisées depuis fin 2023. Les seules informations proviennent des entreprises qui les utilisent. C’est le cas notamment de DeepSeek, la start-up qui a fait sensation en concevant des modèles d’IA performants malgré les restrictions américaines. Selon elle, le dernier GPU proposé par Huawei affiche de bonnes performances sur l’inférence (le processus de génération de texte ou d’images), équivalentes à 60% de celles du H100 de Nvidia, qui était jusqu’à fin 2024 le GPU de référence. Depuis, le géant américain a lancé des modèles beaucoup plus performants, accentuant l’écart technologique

Davantage de GPU – La tâche du groupe chinois est rendue encore plus difficile par les sanctions de Washington. Il ne peut, du moins officiellement, pas faire produire ses GPU par TSMC, le seul fondeur à maîtriser les gravures les plus fines. Et il n’a pas accès à la dernière génération de puces mémoire à large bande passante (HBM). “Nous utilisons l’informatique distribuée pour pallier les limites des puces, ce qui permet d’obtenir de bons résultats”, souligne Ren Zhengfei. Autrement dit: Huawei compense le manque de puissance en reliant davantage de puces – jusqu’à 384 dans son supercalculateur, qui affiche sur le papier une puissance supérieure à celui de Nvidia, limité à 72 GPU. “Huawei a une génération de retard sur les puces, mais sa solution de déploiement à l’échelle est sans doute une génération en avance”, confirme le cabinet SemiAnalysis.

Coup de pouce américain – Selon le média spécialisé DigiTimes, la société a présenté début avril la prochaine génération d’Ascend. Ces nouveaux GPU seront gravés en 6 nm, soit un de moins que leurs prédécesseurs. Ils doivent être commercialisés au second semestre. Huawei aurait la capacité de produire au moins un million d’exemplaires, notamment grâce à l’utilisation de sociétés écrans lui permettant de toujours se fournir chez TSMC. Et aussi grâce à ses stocks importants de mémoires HBM, constitués avant d’être placé sur la liste noire de Washington. Le groupe va aussi bénéficier d’un coup de pouce américain: en avril, l’administration Trump a accentué les restrictions d’exportation vers la Chine, empêchant ainsi Nvidia d’y vendre les GPU bridés qu’il avait spécialement conçus. De quoi permettre à Huawei de capter l’intégralité du marché chinois.

Pour aller plus loin:
– Dans l’IA, Huawei veut profiter d’un coup de pouce de… Washington
Comment Huawei déjoue les sanctions américaines


No Comments Yet

Comments are closed

Contactez-nous  –  Politique de confidentialité