Trois ans après le lancement de ChatGPT, l’intelligence artificielle générative n’est plus seulement une course à l’innovation technologique. C’est désormais aussi une course à l’innovation financière. Nouvelle illustration avec xAI, la start-up fondée par Elon Musk. Selon Bloomberg, sa prochaine levée de fonds, d’un montant minimum de 20 milliards de dollars, adoptera une structure inédite, articulée autour d’un SPV (special purpose vehicle), un véhicule d’investissement dédié.
Concrètement, la somme ne sera pas directement collectée par xAI, comme c’est habituellement le cas dans ce type d’opération. Mais par cette structure ad hoc, qui achètera des cartes graphiques auprès de Nvidia avant de les louer à la start-up pendant cinq ans, afin qu’elle puisse équiper son supercalculateur Colossus 2, actuellement en construction à Memphis. D’après le Wall Street Journal, celui-ci comptera quelque 300.000 GPU, pour une facture estimée à 18 milliards de dollars.
Limiter la dilution
La majeure partie de l’opération se fera par endettement: seuls 7,5 milliards seront apportés en fonds propres, dont deux milliards par Nvidia. Le géant des cartes graphiques poursuit ainsi sa politique d’investissement tous azimuts dans ses clients. Fin septembre, il s’est déjà engagé à injecter jusqu’à 100 milliards dans OpenAI. Sa stratégie vise à stimuler encore davantage la demande pour ses GPU, alors même que grandissent les craintes d’une bulle autour de l’IA générative.
L’architecture financière atypique choisie par xAI présente plusieurs avantages. Elle permet d’abord à la start-up de ne pas diluer encore davantage son capital, tout en n’augmentant pas son endettement. Elle permet ensuite aux investisseurs, aussi bien en dettes qu’en fonds propres, de limiter les risques, grâce à des revenus théoriquement garantis sur les cinq prochaines années. Dans le cas contraire, ils pourront aussi récupérer les GPU achetés par le SVP, et les revendre.
Lourdes pertes
Cette opération pourrait également refléter les difficultés de xAI à séduire de nouveaux investisseurs, alors même que ses besoins en capitaux restent colossaux. Elon Musk s’est notamment fixé pour objectif, avec Colossus 2, de bâtir le supercalculateur le plus puissant du monde. Les dépenses en capital de la start-up devraient ainsi se chiffrer à dix milliards de dollars en 2025, selon Bloomberg. Les flux de trésoreries devraient, eux, afficher un déficit supérieur à 13 milliards.
Ces lourdes pertes, couplées à des recettes encore faibles, peuvent expliquer la méfiance des fonds. Cet été, xAI a récolté dix milliards de dollars, dont la moitié en dettes. Mais deux des cinq milliards récoltés en fonds propre provenaient de SpaceX, la société spatiale d’Elon Musk. Ces prochaines semaines, les actionnaires de Tesla, autre entreprise dirigée par le milliardaire, vont se prononcer sur un éventuel investissement dans xAI.
Monétisation encore limitée
La situation financière de xAI n’est pas un cas isolé. OpenaAI prévoit, par exemple, de consommer 8,5 milliards de dollars de trésorerie cette année. Mais la start-up d’Elon Musk se distingue sur deux points. D’une part, elle a choisi dès le départ de bâtir sa propre infrastructure informatique, plutôt que de s’appuyer sur des plateformes cloud. Sur le long terme, cette stratégie pourrait s’avérer payante, mais elle implique pour l’instant des investissements considérables.
D’autre part, xAI peine encore à monétiser ses modèles d’IA, contrairement à OpenAI et Anthropic, qui enregistrent une rapide accélération de leur chiffre d’affaires. Fin 2024, la société revendiquait des revenus annuels récurrents de 100 millions de dollars, correspondant probablement à une part des abonnements payants de X (l’ex-Twitter). Selon Bloomberg, la start-up table sur des recettes de 500 millions de dollars en 2025, avant d’atteindre deux milliards en 2026.
Pour aller plus loin:
– Nvidia va investir jusqu’à 100 milliards de dollars dans OpenAI
– Elon Musk revend X à… Elon Musk

