Quand il ne s’en prend pas à Bruxelles, qu’il accuse de trop encadrer l’intelligence artificielle générative, Sam Altman lui demande de l’aide. Fin septembre, des responsables d’OpenAI ont rencontré des représentants de la Commission européenne. Ils ont souligné “la nécessité d’une vigilance continue et d’une réaction rapide des régulateurs” afin de garantir une concurrence équitable face à des “groupes solidement installés”, qui pourraient profiter de leur position dominante.
Le concepteur de ChatGPT redoute notamment que des internautes ne soient “enfermés” dans l’écosystème de ces grandes entreprises, selon des notes succinctes rendues publiques par la Commission. Il pointe en particulier le marché du cloud, dominé notamment par Microsoft et Google, et essentiel à l’entraînement et au fonctionnement des modèles d’IA. Ou encore celui des applications mobiles, toujours largement verrouillé par Apple et Google, malgré l’entrée en vigueur du DMA.
“Erreurs des années 2000”
La rencontre avec Bruxelles ne constitue pas encore une plainte formelle. Selon OpenAI, elle s’inscrit simplement dans le prolongement des propositions formulées en août après la condamnation de Google pour abus de position dominante dans la recherche en ligne. La société avertit qu’il ne faut pas “répéter les erreurs des années 2000″, afin que les États-Unis ne comptent pas qu’un seul champion de l’IA, mais une multitude d’acteurs engagés dans une “concurrence acharnée”.
OpenAI recommande d’interdire les accords de distribution, en particulier ceux qui permettraient à Google d’imposer l’installation par défaut de son chatbot Gemini, l’un des principaux rivaux de ChatGPT, sur les smartphones Android. Elle plaide également pour un partage des données collectées par les groupes historiques via leurs autres services. Et milite enfin pour une mise en place généralisée d’API (interfaces de programmation) par ces mêmes entreprises.
Changement d’attitude
Le constat alarmiste d’OpenAI peut faire sourire, tant la start-up domine le marché de l’IA générative. ChatGPT attire désormais plus de 800 millions d’utilisateurs chaque semaine. Son chiffre d’affaires continue de croître rapidement: en juillet, il a dépassé la barre du milliard de dollars mensuels. La start-up vient aussi de conclure des partenariats avec Nvidia et Oracle, se chiffrant en centaines de milliards de dollars, pour consolider ses positions à long terme.
La rencontre avec des responsables européens témoigne d’un changement d’attitude d’OpenAI vis-à-vis de Bruxelles. L’entreprise partait de loin: il y a deux ans, Sam Altman avait provoqué un tollé en menaçant de quitter le continent si une réglementation trop stricte sur l’IA était adoptée – avant de rétropédaler dès le lendemain, assurant que ses propos avaient été mal compris. Depuis, OpenAI a renforcé ses équipes dédiées aux affaires publiques sur le continent.
Code de bonnes pratiques
OpenAI s’est également longtemps opposé à l’AI Act, le premier projet européen d’encadrement de l’IA générative, adopté en mars 2024 après de longues négociations, et accusé par Sam Altman de “surréglementer” le secteur au détriment de l’innovation. Cet été, l’entreprise a pourtant signé sans rechigner le code de bonnes pratiques établi par la Commission européenne – à la différence de Meta, la maison mère de Facebook et Instagram.
Parallèlement, OpenAI a publié la semaine dernière vingt propositions pour “accélérer le déploiement de l’IA en Europe”, en phase avec les objectifs de Bruxelles, qui cherche à réduire le retard d’adoption au sein des entreprises par rapport aux États-Unis. La start-up propose notamment des crédits d’impôts pour encourager la formation des employés ou encore une période de grâce d’un an pour les nouveaux services d’IA avant qu’ils ne soient soumis à la réglementation.
Pour aller plus loin:
– OpenAI signe avec Oracle un contrat à 300 milliards de dollars
– Pourquoi OpenAI recrute la Française Fidji Simo pour épauler Sam Altman

