C’est la fin d’un long feuilleton. Mardi, OpenAI a officialisé le changement de statut juridique de sa société commerciale, une étape primordiale pour mener à bien son ambitieuse feuille de route. Pour y parvenir, le concepteur de ChatGPT a dû renégocier ses liens capitalistiques et commerciaux avec Microsoft, son premier actionnaire, lui cédant notamment 27% de son capital et s’engageant à dépenser 250 milliards de dollars supplémentaires pour utiliser son cloud Azure.
Concrètement, la start-up abandonne son statut à “but lucratif plafonné”, qui limitait les plus-values potentielles de ses investisseurs. À la place, elle devient une “public benefit corporation” – une entreprise qui n’a pas pour unique obligation légale de maximiser la valeur pour ses actionnaires. Elle pourra donc continuer à “s’assurer que l’IA générale (une IA capable d’apprendre seule, ndlr) bénéficie à toute l’humanité”, comme l’écrit-elle encore dans sa mission d’entreprise, même si cela se traduit par des profits moins élevés.
Structure hybride conservée
Par ailleurs, OpenAI conserve son atypique structure hybride, qu’elle souhaitait abandonner avant d’y renoncer en début d’année sous la pression des régulateurs. Sur le papier, elle restera ainsi sous le contrôle d’une fondation à but non lucratif. Ce contrôle n’est cependant que théorique: le conseil d’administration a été purgé de tous les contestataires, qui avaient tenté de limoger Sam Altman fin 2023, estimant qu’il négligeait les risques liés au développement accéléré de l’IA. Ils ont depuis été remplacés par des proches du patron d’OpenAI.
Dans le cadre de la restructuration, cette fondation ne percevra plus une part des futurs profits d’OpenAI. À la place, elle détient désormais 26% du capital de la société commerciale, une participation valorisée à 130 milliards de dollars. Une première tranche d’actions, d’un montant de 25 milliards, sera revendue pour financer des projets destinés notamment à utiliser l’IA dans le domaine médical. L’accord prévoit en outre la distribution d’actions supplémentaires si la capitalisation d’OpenAI s’envole.
Besoin de financement
Ce changement de statut juridique était devenu indispensable pour OpenAI. L’accord signé en 2019 avec Microsoft, en échange d’un premier investissement d’un milliard de dollars, prévoyait en effet que l’intégralité des profits revienne au groupe de Redmond et à la fondation caritative de la start-up. Un montage qui rendait impossible l’arrivée de nouveaux investisseurs, privés de toute perspective de gains financiers. Il aurait également rendu très complexe une éventuelle introduction en Bourse.
Or, OpenAI a besoin de sommes colossales pour financer tous les projets de Sam Altman. Dans un premier temps, le dirigeant a réclamé des milliards supplémentaires à son partenaire, qui a refusé. Il s’est alors tourné vers d’autres investisseurs, leur promettant une évolution du statut juridique. Faute de quoi, la start-up aurait dû rembourser les 26,5 milliards de dollars qu’elle a perçus. Elle aurait aussi pu perdre les 20 milliards de dollars promis en mars par Softbank.
Accord favorable à Microsoft
Pour valider cette transformation, le feu vert de Microsoft était obligatoire. Mais les discussions avec les deux partenaires se sont éternisées, dans un climat de tensions croissantes. Le groupe de Redmond savait que le temps jouait en sa faveur. S’il a dû renoncer à sa part des futurs profits – qui restait hypothétique tant OpenAI continue d’accumuler les pertes –, il a ainsi obtenu un accord aux termes particulièrement avantageux.
Outre une participation valorisée à 135 milliards de dollars, Microsoft bénéficie désormais d’un droit d’utilisation des modèles d’OpenAI jusqu’en 2032, contre 2030 précédemment. Il conserve également plusieurs privilèges jusqu’à l’avènement de l’intelligence artificielle générale: 20% du chiffre d’affaires de la start-up ou encore la distribution exclusive de ses API. Surtout, ce n’est plus OpenAI qui peut unilatéralement décréter que l’IA générale a été atteinte, mais un comité d’experts indépendants.
Pour aller plus loin:
– Pourquoi le torchon brûle entre OpenAI et Microsoft
– OpenAI signe avec Oracle un contrat à 300 milliards de dollars

