C’est une première pour l’industrie du disque. La semaine dernière, Universal Music a annoncé un partenariat avec la start-up Udio, spécialisée dans la génération de chansons par intelligence artificielle. L’accord dépasse le simple cadre d’une licence pour entraîner des modèles audio: les deux entreprises lanceront l’an prochain un service payant permettant de créer, écouter et partager des titres générés par l’IA, tout en garantissant une rémunération aux artistes.
Cette alliance historique s’accompagne du règlement à l’amiable de la plainte déposée par la maison de disques représentant Taylor Swift, Drake, Adele, Elton John ou encore U2. Elle ne signifie pas pour autant la fin des démêlés judiciaires pour la start-up, qui reste poursuivie par Warner et Sony, les deux autres majors du secteur. Par ailleurs, Universal maintient sa plainte contre Suno, le principal rival d’Udio. Mais des accords à l’amiable peuvent aussi être envisagés dans ces affaires.
Un tiers de chansons générées par l’IA
Depuis deux ans, l’essor de l’IA générative est perçu comme une menace par l’industrie du disque. Les plateformes de streaming sont déjà inondées d’innombrables chansons créées avec Suno, Udio et autres outils capables de reproduire des voix, d’écrire des paroles et de composer des mélodies. Sur Deezer, par exemple, elles représentent près du tiers des nouveaux morceaux ajoutés au catalogue, contre seulement 10% en janvier. Elles ne cumulent cependant que 0,5% du temps d’écoute.
Au-delà des potentielles violations du droit d’auteur, le danger est avant tout financier. Ces chansons, générées en quelques minutes à partir d’un simple prompt, pourraient rapidement concurrencer celles interprétées par de véritables artistes. Et ainsi réduire le montant des royalties qu’ils perçoivent via les services de streaming. Depuis cet été par exemple, un faux groupe de rock, baptisé The Velvet Sundown, cumule des millions d’écoutes sur Spotify, siphonnant ainsi une part de ces revenus.
Changement de stratégie
Face à cette menace, le premier réflexe des maisons de disques a été de saisir la justice. Mais leurs plaintes se heurtent à un vide juridique, qui rend l’issue incertaine. Les droits d’auteur, tels qu’ils sont aujourd’hui définis, n’empêchent en effet pas un robot de s’inspirer d’un artiste pour écrire des paroles ou composer une mélodie. C’est le principe de fair use, qui semble autoriser un “usage raisonnable” de chansons protégées pour en créer de nouvelles dotées une “valeur transformative”.
Pour éviter de potentiels revers judiciaires, l’industrie musicale a engagé des discussions avec Udio et Sono. Mais pas seulement. En septembre, les trois majors ont conclu un accord avec Spotify pour concevoir des outils d’IA “responsables”. Des négociations sont également en cours avec YouTube. Leur stratégie ne consiste plus à lutter contre un changement qui apparaît inéluctable, mais à l’accompagner pour s’assurer de capter une grande partie de la valeur générée par l’IA.
Accord des artistes ?
Le partenariat entre Universal et Udio s’inscrit dans cette stratégie. Le géant américain y trouve un double avantage. D’un côté, il bénéficiera de nouvelles sources de recettes, grâce à l’abonnement payant que proposera la start-up. De l’autre, il a obtenu que les utilisateurs d’Udio ne puissent plus télécharger les morceaux qu’ils ont créés. Une manière d’empêcher qu’ils soient publiés sur d’autres plateformes pour engranger des royalties au détriment des artistes – et des maisons de disques.
Pour attirer des utilisateurs payants, Universal et Udio promettent de nouvelles fonctionnalités d’IA, permettant d’utiliser la voix d’un chanteur, de remixer des chansons existantes ou encore de combiner plusieurs titres. Reste une grande inconnue: la réaction des artistes représentés par Universal, majoritairement hostiles à l’IA. L’accord prévoit qu’ils devront donner leur consentement pour que leurs œuvres soient utilisées à des fins d’entraînement ou de création de nouvelles chansons.
Pour aller plus loin:
– Vers la fin programmée du streaming gratuit ?
– Les “superfans”, nouvelle vache à lait du streaming musical

