Par , publié le 17 octobre 2023

La partie semblait déjà perdue pour les grands opérateurs télécoms européens, malgré une intense bataille de lobbying et de puissants appuis politiques. Elle l’est définitivement. Selon l’agence Reuters, la Commission européenne vient en effet d’enterrer son projet de “contribution juste”, visant à taxer les plus gros consommateurs de bande passante, en particulier Netflix et YouTube, pour financer le déploiement de la fibre optique et de la 5G sur le continent. Si Bruxelles ne commente pas officiellement cet abandon, les dernières déclarations de Thierry Breton semblent le confirmer implicitement. Dans un message publié la semaine dernière sur LinkedIn, le commissaire au marché intérieur évoque bien la nécessité de “trouver un modèle de financement” des réseaux, mais il ne mentionne plus cette initiative.

La France était pour – L’idée de taxer les géants d’Internet n’est pas nouvelle. Et pas limitée à l’Europe – en Corée du Sud, une loi permet théoriquement aux fournisseurs d’accès de faire payer les gros consommateurs. Elle a été réactivée l’an passé par la Commission, notamment par Thierry Breton, l’ancien patron de France Télécom, l’ancêtre d’Orange. Elle était aussi portée par les gouvernements français, espagnol et italien. Mais l’Allemagne, l’Irlande ou encore les Pays-Bas faisaient partie des opposants. Au terme d’une consultation publique, dont les résultats viennent d’être rendus publics, l’exécutif européen a également constaté que son projet n’était soutenu que par les opérateurs télécoms. Abandonnée, la taxe peut encore être relancée. Mais pas avant l’entrée en fonction de la nouvelle Commission… en 2025.

300 milliards d’euros – Dans cette bataille de gros sous, pour préserver les profits des uns ou doper ceux des autres, les géants des télécoms mettaient en avant leurs importants investissements dans les infrastructures, pour accompagner l’explosion du trafic, en raison principalement du développement des plateformes vidéo. En France, par exemple, Netflix, Google, qui détient YouTube, Facebook et Amazon consomment plus de 40% de la bande passante, selon les données publiées par l’Arcep. D’après les opérateurs, cette situation n’est plus viable, alors qu’ils estiment qu’ils vont devoir dépenser 300 milliards d’euros pour atteindre les objectifs de connectivité fixés par Bruxelles, qui souhaite que l’ensemble de la population européenne soit connecté au très haut débit et à la 5G d’ici à 2030.

Neutralité du net – En face, les grands groupes Internet mettaient en avant les risques de remise en cause de la neutralité du net, un principe fondateur du web qui assure une égalité de traitement entre tous les acteurs. Et qui est inscrit dans la législation européenne. Ils soulignaient également qu’ils investissent, eux aussi, massivement dans l’infrastructure réseau en Europe, par l’intermédiaire de câbles sous-marins ou de réseaux de diffusion de contenu (CDN). Enfin, ils mettaient aussi en garde contre les conséquences d’une telle initiative sur les consommateurs et les entreprises, qui paient déjà un abonnement pour accéder à Internet, estimant que cette compensation financière aurait été répercutée sur le prix des abonnements à des services vidéo ou sur ceux des plateformes de cloud.

Pour aller plus loin:
– En Corée du Sud, Netflix échappe à une contribution sur la bande passante
– La justice européenne encadre la pratique du “zero rating”


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