Par , publié le 3 juillet 2024

Entre poursuite judiciaire et accord de licence, l’industrie du disque cherche la bonne réponse face à l’émergence de l’intelligence artificielle générative, qui pourrait remettre en cause une partie de ses recettes. La semaine dernière, l’organisation américaine représentant le secteur, la RIAA, a déposé plainte contre Suno et Udio, deux outils de création de chansons via un simple prompt. Elle leur reproche d’avoir violé la propriété intellectuelle des artistes et compositeurs en utilisant leurs œuvres “à grande échelle”, sans rémunération et autorisation, pour entraîner leurs modèles. Elle réclame 150.000 dollars de dédommagement par violation, le maximum prévu par la loi. Parallèlement, pourtant, plusieurs maisons de disques négocient avec YouTube, qui souhaite lancer un service similaire, rapporte le Financial Times.

Royalties – Depuis un an, plusieurs exemples de chansons générées par une IA ont alimenté les craintes du secteur. Comme ce titre attribué aux chanteurs canadiens Drake et The Weeknd, qui a accumulé plus de 15 millions de vues sur TikTok en quelques jours. Le phénomène est appelé à prendre une ampleur considérable avec la démocratisation de nouveaux services, capables de recréer des voix, d’écrire des paroles et de composer des mélodies. Et qui pourraient permettre à de nombreuses personnes de créer des chansons, en reprenant la voix d’artistes ou en s’inspirant simplement de leur style. Puis, d’inonder les plateformes de streaming musical, d’accumuler les écoutes et de recevoir des royalties. Cela se ferait au détriment des artistes, qui pourraient accuser une baisse relative de leurs écoutes et donc de leurs rémunérations.

“Usage raisonnable” – Les hésitations de l’industrie du disque rappellent celles de la presse. Si le New York Times a choisi la voie judiciaire, de nombreux journaux ont préféré négocier des accords de licence. Malgré les risques d’une chute d’audience, leurs dirigeants estiment qu’il faut mieux capitaliser sur le développement de l’IA, qui se fera avec ou sans eux. Dans la musique, la situation est un peu différente, car le secteur est dominé par trois majors – Universal, Sony et Warner. Sans leur soutien, les outils de création disposeront d’une base d’entraînement réduite, limitant leurs capacités. Sur le papier du moins, car de nombreux acteurs du secteur ne se soucient pas du droit d’auteur. Ils mettent en avant le principe “d’usage raisonnable”, qui les autoriserait à utiliser des chansons comme source d’inspiration.

Flou juridique – De fait, l’industrie du disque pourrait bien se retrouver démunie pour contrer la montée des chansons générées par l’IA. Les droits d’auteur, tels qu’ils sont aujourd’hui définis, n’empêchent en effet pas un robot de s’inspirer d’un artiste pour écrire des paroles ou composer une mélodie. La voix d’un chanteur n’entre, par ailleurs, pas dans le champ d’application de la propriété intellectuelle. Face à un flou juridique, l’issue des plaintes déposées contre Suno et Udio devrait être capitale. En attendant, les grandes maisons de disques pourraient être tentées de négocier dès maintenant des accords de licence pour se prémunir de verdicts défavorables. Au moins avec les grands acteurs du marché, comme YouTube ou TikTok. Mais elles devront convaincre leurs artistes, globalement opposés à cette évolution.

Pour aller plus loin:
– Comment OpenAI tente d’éviter de nouvelles poursuites judiciaires
– Pourquoi l’industrie du disque accuse Spotify de “trahison”


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