Par , publié le 2 septembre 2020

Le scénario semblait écrit d’avance. Sommé par l’administration Trump de vendre les activités américaines de TikTok, ByteDance allait s’entendre avec Microsoft ou avec Oracle. Un deal compris entre 20 et 30 milliards de dollars (entre 17 et 25 milliards d’euros), réalisé à marche forcée mais qui devait permettre d’éviter le pire. Depuis vendredi, cette hypothèse est cependant remise en cause. Relativement discret jusque-là, le gouvernement chinois s’est en effet invité à la table des négociations, s’octroyant le droit d’opposer un veto à l’opération. Pris en étau entre les exigences de Washington et de Pékin, ByteDance doit désormais penser à des alternatives. Jusqu’à étudier l’hypothèse de ne plus se séparer de TikTok ?

Ultimatum américain – Véritable succès aux États-Unis, où plus de 100 millions de personnes l’utilisent chaque mois, l’application de partage de vidéo est dans le collimateur des autorités depuis longtemps. Celles-ci redoutent que la Chine ne mette la main sur des données personnelles – sans toutefois fournir de preuves. Invoquant des enjeux de sécurité nationale, Donald Trump a signé en août deux décrets pour forcer ByteDance à céder sa plate-forme à une entreprise américaine. Faute de quoi le locataire de la Maison blanche menace de bannir TikTok des États-Unis. Même s’il a contesté ces mesures devant la justice, le groupe chinois semblait s’être résolu à vendre, entamant des discussions avancées avec Microsoft et Oracle.

Riposte de Pékin – La donne a cependant changé vendredi dernier lorsque Pékin a imposé de nouvelles restrictions sur les exportations de technologies, en particulier sur les algorithmes de suggestion de contenus. Cela signifie que le gouvernement chinois pourra bloquer la vente des activités américaines TikTok et de sa technologie. Le fera-t-il ? Peut-être pas. Mais la simple possibilité d’un veto complique grandement les négociations. Racheter l’application sans son algorithme reste une possibilité, mais présenterait des défis techniques et risques énormes pour le repreneur, pas certain de pouvoir répliquer la même formule gagnante. Sans compter que la somme récupérée par ByteDance serait alors bien moins élevée.

Jouer la montre – Pour les dirigeants de la société chinoise, la marge de manœuvre est très étroite. Il n’est donc pas certain qu’ils puissent trouver un accord satisfaisant toutes les parties prenantes. D’autant plus que l’ultimatum est très serré: Donald Trump a encore rappelé mardi qu’un arrangement devait être trouvé avant le 15 septembre. Dans ce contexte, ByteDance réfléchit à une autre stratégie, rapporte l’agence Bloomberg: ne pas vendre les activités américaines de TikTok dans l’immédiat. Et ainsi attendre les résultats de l’élection présidentielle de novembre, qui pourrait amener une autre administration à la Maison blanche. L’entreprise peut aussi espérer que la justice américaine lui donne raison au cours des prochains mois.

Probable bannissement – En choisissant cette voie, TikTok s’exposerait à un bannissement sur le sol américain, probablement en étant retiré des boutiques d’applications. Mais ses 100 millions d’utilisateurs auront toujours accès à la plate-forme – ils ne pourront seulement pas le mettre en jour. En outre, il est possible d’installer des applications en court-circuitant les stores. Selon la portée des décrets signés par Donald Trump, dont les contours restent encore très flous, TikTok risque aussi de se voir fermer le marché publicitaire américain, ce qui se répercutera sur son chiffre d’affaires. Plus problématique: l’application pourrait ne plus être hébergée par Google cloud, obligeant l’entreprise à trouver une solution en urgence. Malgré tout, ce scénario permettrait à ByteDance de ne pas se séparer de sa pépite à la va-vite… en espérant la défaite de Donald Trump.


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