Par , publié le 10 juin 2022

Elles font la fierté de la French Tech. Les 23 licornes tricolores (selon notre décompte, 26 selon celui du ministère de l’Économie) sont régulièrement citées comme le symbole de la réussite d’une “start-up nation” ambitieuse, qui rêve de créer des champions européens voire mondiaux. Encore plus qu’ailleurs, la France est touchée par une véritable obsession pour ces sociétés technologiques non cotées, valorisées à plus d’un milliard de dollars. Certainement parce que leur nombre a été érigé en objectif par Emmanuel Macron, entraînant un décompte permanent vers la barre des 25 licornes. Et pourtant ! Cet indicateur n’a jamais eu beaucoup de valeur. Il en a encore moins dans le contexte actuel.

Valorisations figées – Le terme licorne est apparu en 2013. “Cela signifie quelque chose d’extrêmement rare”, explique alors l’investisseuse Aileen Lee, sa créatrice. Neuf ans plus tard, les licornes ne sont plus rares. Le cabinet CB Insight en dénombre plus de 1.100 dans le monde. De quoi relativiser la pertinence de ce club fermé. D’autant que certaines start-up le rejoignent de manière artificielle, en accordant aux investisseurs des clauses de sortie particulièrement favorables. Surtout, le plongeon des valeurs technologiques, après des mois d’euphorie, redistribue les cartes. Les valorisations des start-up, figées sans nouvelle levée de fonds, reflètent encore moins qu’avant une réalité économique. Sur les 23 licornes françaises, combien vaudraient encore un milliard si elles étaient cotées en Bourse ?

Machine médiatique – De nombreux dirigeants de start-up le reconnaissent volontiers: le statut de licorne ne correspond à rien de concret. Pourtant, l’obtenir reste souvent un objectif. Et le terme est mis en avant par les équipes de communication. Pourquoi ? Parce que c’est un enjeu capital pour l’image. C’est ainsi que fonctionne la machine médiatique – à laquelle, admettons-le, nous avons participé à notre petit niveau. Devenir une licorne, c’est parfois sortir d’un anonymat relatif. Et c’est toujours un formidable coup de projecteur, avec de nombreux articles de presse, même dans les médias généralistes. Ou encore un message de félicitations sur LinkedIn d’Emmanuel Macron. De quoi faciliter le recrutement de talents ou la conquête de nouveaux clients.

Et maintenant, les centaures ? – Ces dernières semaines, la presse commence à parler de centaures, sous l’impulsion notamment du fonds de capital risque américain Bessemer Venture Partners. Ce terme désigne les sociétés de SaaS (logiciel par abonnement) qui réalisent plus de 100 millions de dollars de recettes annuelles récurrentes, l’indicateur de référence du secteur. Certes, ce statut repose sur des données concrètes, témoignant d’un niveau important d’activité. Mais quel intérêt à catégoriser encore une fois ces entreprises ? A part, peut-être de leur offrir un nouvel élément de communication. Cela a d’ailleurs déjà commencé, même par des start-up qui ne font pas du SaaS. Et qui confondent, volontairement ou pas, ARR et chiffre d’affaires en rythme annualisé…


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