Par , publié le 15 novembre 2023

Précurseur dans la hausse du prix des offres de streaming musical, Deezer veut aussi le devenir dans la rémunération des artistes. Après avoir conclu un accord début septembre avec Universal Music, la plateforme française a convaincu une autre major d’adopter un nouveau modèle: Warner Music, dont le patron Robert Kyncl réclame depuis longtemps des ajustements. “Ce n’est plus possible qu’une chanson d’Ed Sheeran rapporte autant que le son de la pluie tombant sur un toit”, soulignait-il au printemps. Ce système dit “artist centric” vise à mieux rémunérer les artistes en limitant les abus et les fraudes, rendus possibles par les failles du modèle “market centric”, en place depuis le lancement des premiers services d’écoute. Deezer espère réaliser la bascule de l’ensemble de son catalogue dans tous les pays l’an prochain.

Redistribution proportionnelle – Face aux critiques des grandes maisons de disques, Spotify va également bouger. Selon les informations de Music Business Worldwide, le leader suédois du marché va en effet mettre en place des changements, moins radicaux que ceux de Deezer, début 2024. Ils représentent cependant une première remise en cause du modèle historique, qui a l’avantage d’être, sur le papier du moins, facile à comprendre. Aujourd’hui, les principales plateformes de streaming musical redistribuent environ 70% de leurs recettes, générées par les abonnements ou par la publicité, aux ayants droit (artistes et compositeurs) de manière proportionnelle au nombre d’écoutes supérieures à 30 secondes. Une chanson deux fois plus populaire qu’une autre permet donc de gagner deux fois plus de royalties.

Bruit blanc – En place depuis quinze ans, ce modèle présente deux limites principales. Il est d’abord vulnérable aux faux streams, réalisées par des robots qui rejouent en boucle les mêmes chansons. Les analystes de JPMorgan estiment qu’ils représentent 10% des écoutes totales. Spotify les chiffre, de son côté, à moins de 1%. La plateforme suédoise assure, par ailleurs, qu’elle dispose d’algorithmes capables de détecter les fraudes. Le modèle actuel de rémunération profite ensuite à de la musique dite “fonctionnelle”, généralement des mélodies et des sons relaxants. Et aussi à des pistes de bruit blanc, utilisées notamment pour aider un nourrisson à s’endormir. Ces deux phénomènes imputent les recettes des artistes, car le gâteau à partager ne grossit pas proportionnellement au nombre d’écoutes.

Système à deux vitesses – Pour résoudre le second problème, Deezer propose de démonétiser les bruits” non musicaux. Spotify est moins extrême: pour ces pistes, la durée minimale d’une écoute rémunérée va être “significativement” augmentée, réduisant d’autant leurs gains. Face à la fraude, Deezer va introduire un seuil maximal de 1.000 streams par mois, par utilisateur et par artiste: au-delà, les écoutes ne rapporteront plus rien. De son côté, Spotify va mettre en place des pénalités financières pour les plateformes de distribution. Le dernier changement de Deezer est plus controversé. La plateforme propose en effet une rémunération à deux vitesses, augmentant les royalties versées aux artistes qui génèrent plus de 1.000 écoute et 500 auditeurs uniques par mois. Au détriment donc des artistes moins populaires.

Pour aller plus loin:
– Dans le streaming musical, la hausse des prix ne fait que commencer
– Comment Spotify est redevenu rentable


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