Par , publié le 13 mars 2024

C’est un désaveu de plus pour le gouvernement français. Lundi, les ministres du travail de l’Union européenne ont adopté une version allégée du projet de réglementation des conditions de travail de l’Uber-économie. Un texte auquel s’opposaient Paris et Berlin. Mais les deux capitales ont vu s’effondrer la minorité de blocage qu’elles avaient réussi à former jusqu’à présent, lorsque la Grèce et l’Estonie – patrie de Bolt, champion européen du secteur – ont changé leur vote. La directive accorde notamment le statut de salariés aux chauffeurs de VTC et aux livreurs de repas, aujourd’hui considérés comme des travailleurs indépendants. Elle doit désormais être officiellement approuvée par le Conseil et le Parlement. Son adoption mettrait un terme à deux ans de négociations difficiles entre les Vingt-Sept.

Présumés employés – En décembre, un accord semblait avoir été trouvé entre les responsables européens, sous l’impulsion de la présidence espagnole de l’UE, particulièrement en pointe pour renforcer les droits des chauffeurs et livreurs. Celui-ci prévoyait que ces travailleurs soient “présumés” employés si un service de VTC ou de livraison fixe leur niveau de rémunération, supervise leur travail ou ne leur permet pas de choisir leurs horaires. Cela leur aurait permis de bénéficier d’un salaire minimum, de congés payés et d’une protection sociale. Jusqu’à 5,5 millions de personnes, sur un total de 28 millions, auraient pu être concernées par ces nouvelles règles, selon les estimations de Bruxelles. Le coût pour Uber, Deliveroo et les autres sociétés du secteur aurait pu atteindre 4,5 milliards d’euros par an.

Plus de critères – Très vite pourtant, la France avait fait part de son opposition au projet de directive, estimant que le texte de compromis était “très différent” du mandat qui avait été confié aux négociateurs représentant le Conseil. Paris redoutait alors “des reclassements massifs, y compris de travailleurs indépendants qui apprécient leur statut”. L’Allemagne, engluée, comme pour l’AI Act, dans des dissensions au sein de sa coalition gouvernementale, avait aussi bloqué l’adoption du texte. Dans sa nouvelle version, la réglementation est beaucoup moins ambitieuse. Le principe d’harmonisation européenne a en effet été abandonné: il n’y a plus de critères communs pour déterminer le statut des travailleurs. À la place, chaque pays devra fixer les conditions déclenchant une “présomption légale d’emploi”.

“Statu quo” – De fait, l’accord européen s’apparente à un “statu quo”, dénonce Uber. Certes, la plateforme américaine de VTC évite le pire. Comme les autres acteurs, elle assurait que le texte initial se serait traduit par une hausse des coûts et par un manque de souplesse, nécessaire pour absorber des pics d’activité. Elle prédisait ainsi des prix plus élevés, des temps d’attente plus longs et des fermetures dans les petites villes. Mais elle militait également pour une harmonisation européenne, permettant de fixer des règles claires sur le continent pour mettre fin à l’incertitude juridique “de pays à pays et de tribunal à tribunal”. Uber souhaitait imposer une “troisième voie”: un statut hybride, capable de réconcilier la nécessité de préserver son modèle économique avec celle de mieux protéger les chauffeurs et livreurs.

Pour aller plus loin:
– La France échoue à bloquer le projet européen de régulation de l’IA générative
– Comment Uber est enfin devenu rentable


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