Par , publié le 20 mars 2024

C’est une opération, une de plus, qui va faire parler. Mardi, Microsoft a annoncé avoir débauché Mustafa Suleyman, l’un des fondateurs de DeepMind, le laboratoire d’intelligence artificielle racheté en 2014 par Google. Et surtout, le patron depuis 2022 de la start-up américaine Inflection AI, connue pour avoir lancé un rival de ChatGPT. Le chercheur britannique prend la tête d’une nouvelle division, regroupant tous les produits d’IA générative du groupe de Redmond. Il n’arrivera pas seul: l’essentiel des salariés d’Inflection vont le suivre, dont Karén Simonyan, son responsable scientifique. Autrement dit, Microsoft met la main sur une équipe d’ingénieurs réputés, laissant exsangue leur ancien employeur, sans dépenser, officiellement, le moindre centime. De quoi susciter, très probablement, la curiosité des autorités de la concurrence.

Volte-face – Surfant sur l’euphorie autour de l’IA, Inflection avait levé 1,3 milliard de dollars en juin, sur la base d’une valorisation de 4 milliards. Cette somme devait lui permettre d’imposer son robot conversationnel Pi. Face aux autres services, celui-ci promettait une expérience plus personnalisée, assurant notamment être capable de détecter les émotions de l’utilisateur pour adapter ses réponses. Début mars, l’entreprise se félicitait d’attirer un million d’utilisateurs par jour. Et d’avoir développé un grand modèle de langage affichant des performances proches de GPT-4, la référence du secteur, conçue par OpenAI et alimentant ChatGPT. Inflection va désormais abandonner Pi pour se focaliser uniquement sur des solutions destinées aux entreprises. Une volte-face soudaine et brutale, qui interroge.

Liens avec Microsoft – Certes, il est possible que ses dirigeants et investisseurs ont réalisé qu’il allait être difficile de rivaliser avec ChatGPT, Gemini de Google ou Claude de la start-up Anthropic, soutenue financièrement par Amazon et Google. Mais pourquoi ne pas avoir pivoté en profitant d’une trésorerie encore élevée ? Ou alors avoir cherché un acheteur souhaitant réaliser un “aqui-hire” (une acquisition visant seulement à recruter des équipes) ? Cette opération ne semble avoir rien rapporté à la start-up et à ses investisseurs – si ce n’est, peut-être, des crédits cloud pour entraîner ses modèles sur Azure. Les liens entre Microsoft et Inflection renforcent ces questions. Non seulement le concepteur de Windows a investi dans la start-up. Mais Reid Hoffman, le créateur de LinkedIn et cofondateur d’Inflection, fait aussi partie de son conseil d’administration.

Acquisition déguisée ? – Ce qui est certain en revanche, c’est que Microsoft, déjà dans le viseur des autorités pour ses liens avec OpenAI, ne pouvait pas racheter Inflection. Le géant américain est le premier actionnaire du concepteur de ChatGPT, dans lequel il a investi environ 13 milliards de dollars. À Bruxelles et à Londres, les gendarmes antitrust se demandent si cet investissement ne serait pas en réalité une acquisition déguisée, alors que Microsoft a joué un rôle majeur pour résoudre la crise de gouvernance qui a éclaté en novembre chez OpenAI. Et qui a finalement débouché sur une reprise de contrôle de son fondateur Sam Altman. Le groupe a aussi récemment investi 15 millions d’euros dans la start-up française Mistral AI, dans le cadre d’un accord de distribution, lui aussi examiné par la Commission européenne.

Pour aller plus loin:
– En s’associant à Mistral AI, Microsoft renforce sa position de force
– Après l’euphorie, les craintes d’une bulle autour de l’IA


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