Par , publié le 16 avril 2024

Cette fois-ci, Huawei n’a même pas eu besoin de réaliser un bond technologique majeur pour déjouer les lourdes sanctions américaines qui le ciblent depuis 2020. Après avoir lancé fin août son premier smartphone 5G en quatre ans, grâce au système sur puce le plus avancé jamais gravé en Chine, le groupe de Shenzhen a présenté la semaine dernière un ordinateur portable capable de faire tourner localement des modèles d’intelligence artificielle générative. Un ordinateur qui fonctionne, lui, avec les tous derniers processeurs… d’Intel. Cette annonce est un camouflet de plus pour Washington, moins stratégique que le précédent mais peut-être encore plus embarrassant, car il a été rendu possible par une dérogation accordée par l’administration américaine fin 2020 à Intel. Et maintenue il y a tout juste un mois.

Liste noire – Accusé d’espionnage au profit de Pékin, Huawei a été placé en septembre 2020 sur une liste noire par les États-Unis, lui interdisant, sauf rare autorisation, toute relation commerciale avec les fournisseurs américains. Mais aussi avec les groupes étrangers qui utilisent des technologies américaines. Depuis, Huawei ne peut ainsi plus équiper ses smartphones du système Android de Google, acheter des puces 5G à Qualcomm ou commander des processeurs chez le fondeur taïwanais TSMC. Dans la foulée, la société, qui a accusé un plongeon de ses ventes, a pris de nombreuses initiatives pour remplacer les composants étrangers. Des efforts qui ont fini par porter leurs fruits: avec l’aide du fondeur chinois SMIC, elle a réussi à concevoir et à produire à grande échelle une puce en 7 nm. Du jamais vu en Chine.

Dérogation – Pour son “PC IA”, Huawei a simplement profité des largesses de Washington. La situation était très différente en 2020, lorsque Intel a reçu une dérogation pour continuer à lui vendre des processeurs. Le secteur n’est alors pas considéré comme stratégique. Et le groupe chinois n’était qu’un acteur mineur sur le marché des PC – à peine 3% des ventes en Chine à l’époque, 10% l’an passé selon les estimations du cabinet Canalys. Malgré les demandes répétées d’AMD, le principal rival d’Intel qui n’a lui pas obtenu d’autorisation, l’administration américaine n’a pas jugé bon d’annuler cette dérogation, qui se termine à la fin de l’année. Pourtant, l’arrivée de ChatGPT a placé l’IA générative au centre d’immenses enjeux financiers, qui dépendent en partie des “PC IA” – qui doivent permettre de contourner les coûts d’inférence.

Machine de lithographie – Ces appareils peuvent en effet faire tourner de grands modèles de langage directement sur leurs processus, sans passer par une plateforme de cloud. Huawei promet ainsi que son nouvel ordinateur supportera son modèle Pangu, ainsi qu’Ernie conçu par le moteur de recherche Baidu. D’autres fabricants doivent lancer des PC similaires ces prochains mois. Il est fort probable que la dérogation accordée à Intel ne soit pas renouvelée. Si Huawei va pouvoir constituer des stocks de processeurs, comme il l’avait fait en 2020, le groupe prépare déjà la suite. Après avoir conçu ses propres logiciels de conception de puces, il a ouvert un important centre de recherche à Shanghai, rapporte le quotidien Nikkei. Objectif: développer ses propres machines de lithographie, indispensables pour graver les puces.

Pour aller plus loin:
– Malgré les sanctions américaines, Huawei lance de nouvelles puces d’IA
– Comment Huawei a pris sa revanche sur les États-Unis


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