Par , publié le 10 juin 2024

L’opération était tellement atypique qu’elle avait fait beaucoup parler. Elle est désormais étudiée de près par les autorités américaines de la concurrence. Selon le Wall Street Journal, la Federal Trade Commission vient en effet de lancer une enquête préliminaire sur l’accord conclu en mars entre Microsoft et la start-up Inflection AI, cherchant à déterminer s’il ne s’agit pas en réalité d’une acquisition déguisée. Cet accord avait permis au géant de Redmond de recruter l’essentiel des salariés de la start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle générative – dont son patron Mustafa Suleyman, l’un des fondateurs de DeepMind, le prestigieux laboratoire d’IA racheté en 2014 par Google. En échange, Microsoft s’est engagé à verser 650 millions de dollars à Inflection, dans le cadre d’un étrange accord de licence.

Volte-face – Surfant sur l’euphorie autour de l’IA, Inflection avait levé 1,3 milliard de dollars il y a un an, sur la base d’une valorisation de 4 milliards. Cette somme devait lui permettre d’imposer son robot conversationnel Pi. Face aux autres services, celui-ci promettait une expérience plus personnalisée, assurant notamment être capable de détecter les émotions de l’utilisateur pour adapter ses réponses. Début mars, l’entreprise se félicitait d’attirer un million d’utilisateurs par jour. Et d’avoir développé un grand modèle de langage affichant des performances proches de GPT-4, la référence du secteur conçue par OpenAI et alimentant ChatGPT. Ce qu’il reste d’Inflection va abandonner Pi pour se focaliser uniquement sur des solutions destinées aux entreprises. Une volte-face soudaine et brutale, qui interroge.

Un “aqui-hire” ? – La FTC va notamment se pencher sur la contrepartie monétaire offerte par Microsoft. Officiellement, celle-ci doit lui permettre de proposer les modèles d’IA conçus par la start-up aux clients de son offre de cloud Azure. Mais son montant semble très élevé, voire injustifié. Et une partie de cet argent va servir à rembourser, avec une petite plus-value, les investisseurs d’Inflection. Ces deux éléments pourraient indiquer que l’opération s’apparente à un “aqui-hire”, une acquisition dont le seul objectif aurait été de recruter des équipes réputées d’ingénieurs et de chercheurs. À ce titre, ce montage financier aurait pu servir à contourner un veto des autorités de la concurrence, qui auraient probablement bloqué un rachat d’Inflection, alors que Microsoft est déjà le premier actionnaire d’OpenAI.

Relations avec OpenAI – L’enquête pourrait déboucher sur une amende. Il est, en revanche, plus difficile d’imaginer comment la FTC pourrait remettre en cause l’opération, alors que les anciens salariés d’Inflection ont déjà rejoint Microsoft. Cette procédure s’inscrit dans le cadre d’un intérêt plus vaste sur la place de l’éditeur de Windows dans le secteur de l’IA. Le régulateur va ainsi se pencher sur ses liens avec OpenAI, dans lequel il a investi 13 milliards de dollars en échange notamment d’un accord exclusif de distribution. L’an passé, le groupe avait joué un rôle majeur pour résoudre la crise de gouvernance qui a éclaté au sein de la start-up. Et qui a finalement débouché sur une reprise de contrôle par son fondateur Sam Altman, conforté dans sa volonté d’aller très vite pour développer de nouvelles IA.

Pour aller plus loin:
– Concurrence dans l’IA: “il est important d’agir dès maintenant”
– En s’associant à Mistral AI, Microsoft renforce sa position de force dans l’IA


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