Par , publié le 17 juin 2024

Une “trahison”. L’Association américaine des éditeurs de musique (NMPA) ne décolère pas contre Spotify. Et pour cause: la plateforme de streaming suédoise a procédé en mars à un ajustement de ses offres qui va lui permettre de réduire la somme qu’elle reverse aux artistes, compositeurs et maisons de disques. Une véritable déclaration de guerre, estime la NMPA, après deux années de relations plutôt apaisées entre les deux camps. L’organisation chiffre ce manque à gagner à 150 millions de dollars sur les douze premiers mois. La semaine dernière, elle a donc décidé de porter l’affaire devant la Federal Trade Commission, le gendarme américain de la concurrence, aussi chargé de la protection des consommateurs. Elle a également saisi les procureurs généraux de dix États, espérant qu’ils lancent des actions judiciaires contre Spotify.

Offre groupée – Le conflit porte sur la rémunération des ayants droit par l’intermédiaire d’un mécanisme prévu par la législation américaine. Celui-ci prévoit qu’un pourcentage des revenus générés par les plateformes de streaming leur soit automatiquement redistribué. Mais Spotify essaie de contourner ces règles après avoir modifié ses abonnements aux États-Unis, qui incluent depuis novembre 15 heures d’écoute de livres audio. En mars, la plateforme a obtenu le statut de “bundle”: ses offres sont désormais considérées comme groupées, incluant à la fois un catalogue de chansons et des livres audio. Or, les commissions ne s’appliquent que sur la partie musicale. Autrement dit, plus sur l’intégralité du prix des abonnements, mais seulement sur un peu plus de la moitié. Ce qui permet à Spotify d’abaisser d’autant sa facture.

“Stratagème trompeur” – Problème pour la NMPA: Spotify n’a rien fait d’illégal. L’association a donc dû trouver un autre angle d’attaque. Sa procédure devant la FTC est ainsi centrée autour de l’impact négatif sur les consommateurs. Elle estime que la plateforme n’a pas respecté la loi en forçant ses utilisateurs à basculer vers l’offre incluant les livres audio, commercialisée un dollar plus cher que la précédente. Un “stratagème trompeur” qui force les abonnés à payer davantage, même s’ils ne souhaitent pas écouter de livres. De son côté, Spotify dénonce des accusations “sans fondement”, rappelant que ses clients avaient été prévenus un mois en avance et qu’ils pouvaient annuler facilement leur abonnement. En outre, l’entreprise s’apprête à lancer une offre moins chère n’offrant que de la musique.

Économies – Cette bataille met un terme à deux années de trêve, déclenchée par un accord pour augmenter les commissions payées par les plateformes de streaming. Mais celui-ci a aussi introduit la notion de “bundle”, désormais exploitée par Spotify. Sur le fond du dossier, le leader du marché souligne qu’il n’a jamais versé autant d’argent à l’industrie du disque. Il a cependant perdu un argument de taille: ses pertes récurrentes qui se sont transformées ces derniers mois en profits records. Son tour de passe-passe donne, en tout cas, plus de consistance à son offensive dans les livres audio, qui ressemblait jusqu’ici davantage à une source de coûts additionnels qu’à un véritable relais de croissance. Elle doit en fait aussi être vue comme une source d’économies, probablement supérieures aux dépenses qu’elle engendre.

Pour aller plus loin:
– Dans le streaming musical, la hausse des prix ne fait que commencer
– Spotify modifie son modèle de rémunération des artistes


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