Par , publié le 25 juin 2024

Ce n’est probablement que le début d’une longue confrontation. D’un côté, la Commission européenne, déterminée à faire appliquer le Digital Markets Act, qui vise à renforcer la concurrence dans le numérique. De l’autre, Apple tout aussi déterminé à combattre un texte qu’il dénonce de toutes ses forces. Lundi, Bruxelles a officiellement ouvert une procédure contre le groupe à la pomme. Ses griefs portent sur les mesures mises en place pour mettre fin à la pratique d’anti-steering, qui interdit aux développeurs d’application mobiles de rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet afin de réaliser un achat ou souscrire à un abonnement. Une pratique désormais illégale sur le continent. La Commission se prononcera au plus tard dans neuf mois. Apple risque une amende pouvant atteindre 10% de son chiffre d’affaires mondial.

Tester les limites – En vigueur depuis début mars, le DMA marque une rupture historique pour les autorités antitrust, essayant d’agir a priori plutôt qu’a posteriori pour lutter contre des pratiques anticoncurrentielles. Le texte ne fixe cependant que de grands principes, sans mentionner de règles précises à suivre. Il laisse ainsi une marge de manœuvre aux entreprises – elles sont sept concernées – pour décider des mesures suffisantes afin de le respecter. Logiquement, celles-ci ont cherché à ne modifier que le strict nécessaire, pour tenter d’atténuer l’impact sur leurs activités. Elles testent ainsi les limites de la réglementation, mais aussi la détermination de Bruxelles. À ce petit jeu, la palme revient à Apple, qui a annoncé des changements punitifs pour les développeurs, avant de multiplier les concessions.

Toujours des commissions – Sur le papier, le groupe de Cupertino a bien renoncé à l’anti-steering. Les applications ont désormais le droit d’intégrer des liens pour rediriger leurs utilisateurs. Et ainsi ne plus passer par le système de paiement d’Apple. Mais la Commission estime qu’il impose des restrictions trop importantes, par exemple en n’autorisant pas les développeurs à indiquer les prix pratiqués sur leur site pour mettre en avant de potentielles économies. Il leur interdit aussi de faire librement la promotion de leurs offres externes. Bruxelles lui reproche par ailleurs de continuer à prélever des commissions (avec un taux abaissé de 3 points, couvrant à peine les frais bancaires additionnels) sur les achats réalisés hors des applications. Un prélèvement qui va “au-delà de ce qui est strictement nécessaire”.

Failles du DMA – Pour éviter une sanction, le concepteur de l’iPhone pourrait soumettre des mesures correctives à Bruxelles. Mais ses dirigeants ne semblent pas disposés à le faire. Par principe, peut-être. Mais surtout par volonté de préserver les gigantesques commissions prélevées sur les achats et les abonnements, qui affichent des marges proches de 100%. Il est donc probable qu’Apple décide de contester un potentiel verdict défavorable devant la justice européenne, s’engouffrant dans les failles du DMA pour arguer qu’il respecte le texte à la lettre. Il vient d’ailleurs de faire appel, dans un dossier similaire, limité au streaming musical, d’une amende de 1,8 milliard d’euros. Autant de procédures qui repousseront de plusieurs années l’éventuelle mise en place des changements souhaités par la Commission européenne.

Bruxelles ouvre une autre enquête sur Apple

Nouvelles commissions – Les ennuis pourraient rapidement s’intensifier pour Apple. Car Bruxelles a aussi annoncé lundi l’ouverture d’une autre enquête, portant sur un dossier encore plus explosif: les boutiques tierces d’applications sur le système iOS. Pour se mettre en conformité avec le DMA, le groupe à la pomme n’a pas eu d’autre choix que de les autoriser. Mais il a également mis en place une nouvelle structure de commissions pour les développeurs qui souhaitent se défaire de l’exclusivité de l’App Store. Il prévoit notamment de facturer 50 centimes par téléchargement annuel, au-delà de la barre du million. Ce système a été pensé pour dissuader les développeurs de rejoindre d’autres boutiques. Et ainsi éviter l’émergence d’un véritable concurrent, qui représenterait un important manque à gagner.

Pour aller plus loin:
– Face aux géants du numérique, le DMA inspire de nombreux pays
– Comment Apple veut contrecarrer le DMA européen


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